Gasquet, les fausses notes du petit Mozart
Cécile Soler /11/05/2009 07:07 - Le Figaro
Si le tennisman français a admis dimanche avoir été contrôlé positif à la cocaïne, il nie en avoir consommé.
Contrôlé fin mars positif à la cocaïne, l'ex-petit génie du tennis français risque jusqu'à deux ans de suspension. Même s'il clame son «innocence», ce nouveau revers porte un rude coup à une carrière annoncée brillante et qui n'en finit plus de s'enliser entre fragilités physiques, mentales et difficulté à assumer les attentes.
Mozart sombrant dans la drogue. Tel est le tour improbable pris par la carrière de Richard Gasquet depuis samedi. L'histoire du petit prodige déchu est presque trop facile à écrire, tient trop du cliché, pour que l'on déroule le film de la vie du tennisman français - né à Béziers un 18 juin de Maryse et Francis, enseignants de tennis - en laissant de côté subtilités et ambiguïtés.
«Richard G., le champion que la France attend ?» titrait Tennis Magazine à sa une en février 1996, avec, en couverture, la bouille d'un gamin de neuf ans et un geste de revers envié par Roger Federer lui-même. Le point d'interrogation était presque superflu tant la destinée de Richard Gasquet semblait tracée. Né dans un monde où un gamin doué passe rarement au travers du système de détection fédéral ; enfant unique choyé ayant grandi dans une atmosphère baignée de terre battue ; le petit gars de Serignan a passé sa vie à cavaler autant après les petites balles jaunes que derrière le wagon doré de la glorieuse carrière que ses dons hors du commun semblaient annoncer. Et même si son père affirme lui avoir proposé de tout arrêter après ses premiers revers professionnels - et avoir essuyé un refus scandalisé -, la pression à s'accomplir sur le court a été d'autant plus forte que les premiers faits d'armes du gamin avaient enfoncé le clou du génie.
À 12 ans, le Biterrois remportait les Petits As à Tarbes, principal tournoi planétaire pour les moins de 14 ans. À 15, il franchissait un tour dans le prestigieux Masters 1000 de Monte-Carlo. À 16, il était champion du monde junior. À 18, il battait sa majesté Roger Federer en quart de finale du même tournoi de Monte-Carlo. Et les violons médiatiques jouaient inlassablement la symphonie des louanges. Dès cette époque pourtant, sa façade de petit Mozart n'était pas aussi lisse qu'elle le paraissait. Fissurée. En 2004, un accès de colère lui avait valu une humiliante disqualification dans les «qualifs» de l'US Open. Et là où certains bénéficiaient du luxe de faire leurs erreurs de jeunesse dans un relatif anonymat, chaque faux pas du petit génie du tennis tricolore était scruté à travers le miroir grossissant d'une célébrité aussi prématurée que non désirée. «Je ne cherche pas à être plus célèbre que je le suis maintenant», nous confiait-il lors d'un entretien accordé deux jours avant d'être contrôlé à Miami.
Sa difficulté à porter ce fardeau, Richard Gasquet l'exprime en glissant perpétuellement d'une version à l'autre de sa personnalité à double facette. «Ça doit être mon côté Gémeaux», nous suggérait-il également en Floride. Lorsqu'il s'invite sur le court, Richard Gasquet fait frémir d'aise les amoureux du jeu et bomber le torse des plus patriotes en revenant des enfers pour remporter ses premiers points en Coupe Davis (contre l'Allemagne en 2006) ou arracher une place en demi-finale à Andy Roddick - ex-numéro un mondial - à Wimbledon l'année suivante. Ou encore chiper en dernière extrémité, devant son public à Bercy, l'ultime ticket pour le Masters à Andy Murray, actuel numéro trois à l'ATP en 2007. Cette année-là, Richard Gasquet l'acheva à la septième place mondiale. À 21 ans et sous la houlette d'Éric Deblicker, sa carrière semblait lancée pour de bon. Depuis, il court en vain après un sixième titre…
Rien n'est jamais acquis dans l'itinéraire tortueux de ce champion torturé. Quand «Docteur Richard» est envahi par des états d'âme qu'il confie depuis longtemps à Alain Gonzalez, un ami de sa famille, «Mister Gasquet» prend le dessus. Et devient maître de l'esquive. C'est ainsi qu'en 2007, il a renoncé à jouer un troisième tour à l'US Open, parce qu'il souffrait… d'une angine. Et que, depuis un an, des blessures sont systématiquement apparues à l'approche d'un rendez-vous en France. Gasquet n'a joué en 2008 ni Roland-Garros (genou), ni Bercy (épaule) ; en 2009, ni Marseille, ni Monte-Carlo (l'épaule toujours). C'est aussi un ensemble de problèmes physiques qui l'avait poussé à rester sur le banc de touche du quart de finale perdu par la France contre les États-Unis à Winston Salem en avril 2008. Mais presque autant que sa fuite, son comportement durant les trois jours de la rencontre avait exaspéré l'équipe de France. Alors que ses coéquipiers se battaient en terrain ennemi pour décrocher une qualification pour les demi-finales, le petit prodige pianotait sur son téléphone portable, semblant peu concerné par le match. «C'était vraiment difficile à accepter, parce que j'ai vraiment été beaucoup attaqué», nous avouait-il à Miami. Acculé par «l'obligation» de réussir et plafonnant autour de la 20e place mondiale depuis deux ans ; souvent réticent à se faire violence sur le court ; supplanté par ses compatriotes Jo-Wilfried Tsonga, Gaël Monfils et Gilles Simon, Richard Gasquet a peut-être fini par craquer. «Richard est un supermec, quelqu'un que l'on a envie d'aider», nous confiait récemment Guilaume Peyre, son entraîneur depuis un an. Quel que soit le tour que prenne la procédure, le tennisman, qui clame son innocence, va avoir besoin de l'aide de ses proches dans les semaines et les mois à venir.
Sujet: Gasquet et Boonen positifs à la... Cocaine ! 
Dim 10 Mai 2009 - 18:08
