AVANT AGEN-OYONNAX J-3. Le Géorgien Anton Peikrishvili, star de sa famille, évoque son obsession de la demi-finale et sa vie, loin des siens
Les nuits agitées d'Anton Anton Peikrishvili (premier plan, au soutien de Chavet) n'a plus que trois jours à tenir... (photo t.-D. vidal)
Midi hier, centre-ville d'Agen. Anton Peikrishvili (21 ans) vient de passer entre les mains du kiné et avance lentement. « On a fait de la mêlée ce matin à l'entraînement et je me suis fait un peu mal au dos », précise-t-il, sans trop d'inquiétude (1). Mais le pilier droit du SUA sera bien là dimanche pour la demi-finale à laquelle il pense « tout le temps ».
« Sud Ouest ».
Comment vous sentez-vous si près de la demi-finale ?
Anton Peikrishvili. Comment dire... Je ne suis pas stressé, mais très excité. Ça fait trois semaines que je ne pense qu'à ça. Quoi que je fasse, tout m'y ramène. Même quand je fais le ménage, j'y pense. C'est tout de même la première fois de ma vie que je vais jouer une demi-finale.
Vous en rêvez ?
Des rêves, pas des cauchemars. Tout se passe bien dans mes rêves. D'ailleurs, je marque parfois des essais, c'est dire ! Et à la dernière minute en plus (il rit)
Comme un héros en somme. Est-ce votre statut dans votre famille résidant à Tbilissi.
Oui, en quelque sorte. Ma mère est institutrice et quand je rentre à la maison, je vais dans sa classe pour signer des autographes aux élèves.
Comme Ueleni Fono, vous envoyez de l'argent à votre famille ?
Oui, 700 euros par mois. Ils sont pauvres, comme 70 % de la population là-bas. Ils n'ont que le minimum pour vivre. C'est une autre vie. Là-bas, je ne pensais qu'au rugby, qu'à l'entraînement. Ici, je vais au cinéma, j'ai une voiture, des amis, j'aime la ville, mon métier, on me dit bonjour, c'est sympa.
Vous culpabilisez d'avoir une si belle vie ici comparée à celle de vos proches ?
Non, je ne me dis pas ça. C'est comme ça et puis un jour, ma mère gagnera peut-être un million au loto (il sourit). Vous savez, je suis parti pour progresser et faire une carrière. Mais je pense fort à eux, et suis presque tous les jours au téléphone avec mon frère ou ma mère.
Et votre père ?
Il est décédé d'un cancer l'an dernier. Ce fut difficile, mais heureusement, il y a mon oncle dont je suis très proche. Il est tout pour moi.
Vous êtes en colocation avec Irakli Machkhaneli, votre compatriote et partenaire, qui n'a pas la confiance des coaches contrairement à vous.
Comment gérez-vous ça ?
C'est difficile pour lui... Vous savez, Irakli, alors que j'étais encore jeune et dans les tribunes en Géorgie, je le voyais marquer de nombreux essais avec la sélection. C'est une vedette là-bas, rien à voir avec moi.
Vous faîtes beaucoup de musculation.
Est-ce par goût ou obligation ?
Je n'aime pas trop ça, mais je n'ai pas le choix (NDLR, il fait 118 kg). En plus, Alex Déjardin, notre préparateur physique, nous a interdit d'avoir de la musique, sans doute pour nous concentrer davantage. C'est donc encore moins drôle que l'an dernier.
Quel souvenir gardez-vous de votre rencontre avec Oyonnax cette saison ?
Au retour, il faisait -10 degrés ! En plus, j'étais malade, ce fut difficile, mais là, on sera chez nous, ce sera différent.
Votre obsession de la demi-finale ne pourrait-elle pas jouer contre vous en vous usant mentalement ?
(Sûr de lui). Oh non, aucun risque.
Vous avez déjà pleuré cette saison, après un match ?
Oui, quand on a gagné à La Rochelle. Car après le déjeuner d'avant-match, je me suis tordu la cheville bêtement. J'étais remplaçant, mais je n'ai pu jouer que 35 minutes. Les coaches m'ont fait ressortir car j'avais trop mal. Dans les vestiaires, ensuite, j'ai craqué. Entre la joie de la victoire, la douleur et le sentiment de ne pas avoir pu aider mes copains totalement, c'était trop fort pour moi.
Fermez les yeux.
Quelle image vous vient en tête sur la saison en cours ?
(Cinq secondes plus tard) La médaille de champion de France que je mettrais autour du cou. Car le Bouclier reste au club en cas de victoire, mais la médaille, elle est à nous, on la ramène à la maison.
Et dans la salle de classe de votre mère, à Tbilissi.
Ce serait beau.
(1) Par précaution, il n'a pas pris part à la séance collective de l'après-midi
rugby Pro D2 (1/2 finale)
Sud Ouest