C'EST MA VILLE. Jeanine Lataste supporte le SUA depuis 45 ans, « son unique plaisir »SUA, sa déraison de vivre A 70 ans, Jeanine Lataste supporte le SUA chaque week-end, à la « maison » comme en déplacement. (photo jean-Louis borderie)
«Supporter le SUA ? Je n'ai plus que ce plaisir vu mon âge. De ma salle à manger, j'aperçois le stade. Je pourrais faire des économies, acheter des jumelles et regarder le match depuis mon canapé, mais non, ce n'est pas possible. Je vous répète que c'est mon seul plaisir et j'irai tant que le médecin ne me l'interdira pas. Sinon, c'est sûr, c'est ma mort.
La vie avec le SUA, cela a commencé, il y a 45 ans en 1964. A l'époque, on allait au match à la mi-temps, parce ce que c'était encore gratuit. C'était un moment de détente car toute la semaine j'étais enfermée puisque je travaillais aux Nouvelles Galeries. Et puis on se retrouvait au café de la Poste pour refaire le match. Les femmes se mettaient à part pour laisser les hommes entre eux. C'était très convivial et le lieu idéal pour parler rugby bien plus qu'au Glacier où l'on discutait volontiers des chevaux. Songez que le serveur de la Poste a été invité au mariage de mon fils, Philippe Saint-Etienne, l'actuel entraîneur des cadets. Quand il s'est mis au rugby, j'allais voir tous ses matches, et les jours de déplacement, on se retrouvait avec les autres parents pour manger au restaurant ou pique-niquer. La garbure face à la gare de Tarbes, croyez-moi, c'était quelque chose ! Aujourd'hui encore, je m'intéresse beaucoup aux équipes de jeunes.
D'ailleurs, je regrette que les crabos disputent le même jour la finale du championnat de France (à Marmande à 16 h 30 face à Mont-de-Marsan NDLR) que l'équipe première sa demi-finale face à Oyonnax. Parce qu'il ne faut pas oublier que c'est avec les petits qu'on fait des grands ! Et des grands, il y en a eu beaucoup qui sont passés au SUA. Mes joueurs préférés ont été Lacroix, Dubroca et Zani. De grands bonhommes, toujours corrects. Exemple : Dubroca, vous pouvez le saluer n'importe où, n'importe quand, il vous rendra toujours votre salut. J'ai encore en mémoire le jour où, sur le terrain, il avait avalé sa langue.
Ses préférés : les Fidjiens
Aujourd'hui, mes joueurs préférés, ce sont les Fidjiens, Caucau et Vaka. Évidemment, ce n'est pas le même rugby qu'il y a 30 ans. Le jeu est beaucoup plus dur. Avant, on jouait pour le jeu en se vidant les tripes. La professionnalisation a changé les choses. Bon pas pour tout le monde, un joueur comme Narjissi par exemple, il se vide les tripes à tous les matchs. Maintenant, la proximité a demeuré. Le capitaine Adri Badenhorst est d'une gentillesse extraordinaire.
Pour moi, supportrice, ce qui a changé, c'est le fait d'avoir intégré il y a un peu plus d'un an le club des supporters Ovalie 47. Jusque-là, j'allais seule au stade. Désormais, je vais en tribune et je fais tous les déplacements, enfin presque (pas les plus grands) avec ce club de supporters. On chante, on crie ! Et quand on rentre en bus (chacun a désormais sa place attitrée dans le car), croyez-moi qu'on n'a pas le temps de dormir parce qu'on fait la java ! C'est un milieu sain où le seul objectif est de faire la fête autour d'un club et croyez-moi : on y arrive ! Songez que parmi nous il y a un retraité de Bègles qui prend le train tous les week-ends pour nous rejoindre ! Il y a quelques jours, je suis allée chercher mon billet pour la demie contre Oyonnax.
J'ai attendu 1 h 30 mais je n'ai pas trouvé le temps long car j'étais avec les autres supporters. La preuve qu'au sein de ce club de supporters, c'est très convivial. Et demain, je serai avec ses membres, place de la mairie pour le rassemblement avant le match.
Certes, cela n'a pas toujours été la fête, surtout quand il s'est agi de descendre en Pro D2. Je n'ai pas beaucoup dormi à cette époque. Je suis très émotive, faut dire. J'avais même décidé de ne plus revenir au stade et puis cela a été plus fort que moi. C'est le SUA, d'abord et avant tout. Et puis, il faut tout de même dire que cela a toujours été la grande animation de la ville d'Agen. Le jour où il n'y aura plus de club, cela va laisser un grand trou. »
TÉMOINS
Par leur histoire, leur passé, les rôles qu'ils ont joués ou les fonctions qu'ils occupent encore, ces Agenais de naissance ou d'adoption ont été les témoins privilégiés de la ville. « Sud Ouest » recueille leurs souvenirs et leur point de vue sur la cité et ses métamorphoses.
Le portrait proposé change un peu de formule cette semaine et devient « C'est mon club » avec Jeanine Lataste, membre des Ovalie 47.
Sud Ouest