RUGBY PRO D2. Favori pour la montée mais pas encore assuré d'en être, le club jongle avec l'ambiguïté de la situation
Les Agenais coincés entre deux étages
Il s'agit d'une pièce inconfortable, où on a les fesses entre deux chaises. C'est aussi l'endroit le plus jalousé du championnat. Ici, ça n'a plus trop l'odeur de la Pro D2, pas encore tout à fait celle du Top 14.
C'est dans cette drôle d'atmosphère que baignent aujourd'hui Armandie et ses leaders, favoris pour retrouver, trois ans après une terrible séparation, l'élite du rugby français. Leur chez eux en quelque sorte, si l'on se fie à leur passé de chasseurs de Brennus (huit récoltés au total).
Cinq points d'avance sur le rival Oyonnax, enrobés d'un calendrier favorable (1), ça permet de se projeter. Mais comment ? « Pour le recrutement, il faut d'abord essayer de garder ses propres garçons », débute Christian Lanta, faisant surtout référence à ses meilleurs. En l'occurrence, si Peikrishvili a signé à Castres et si Huget se rapproche de Bayonne ou du Stade Français, la pépite Jean Monribot, sollicitée par des clubs de l'élite, a elle fait la promesse de rester au SUA en cas de montée.
La technique de la carotte
Cette condition revient souvent aux oreilles du manager lors de sa quête de renforts. « Quand on discute avec un joueur et qu'il manifeste plus l'envie de jouer en Top 14 que de rejoindre le SUA, déjà, il m'intéresse beaucoup moins... Car si on ne monte pas cette saison, le but, c'est aussi de construire un groupe très compétitif pour y parvenir en fin d'exercice prochain. Et pour cela, on veut des joueurs animés d'un bel état d'esprit. » L'an passé, c'était pareil pour Eric Béchu et son SC Albi. Dès la fin mars, les signatures des Fourcade, Vainqueur ou Borgès dépendaient de l'accession en Top 14. « Ça fait partie du jeu. À Albi, vu l'ambiguïté de la situation, on avait surtout comme plan de prolonger nos meilleurs avant les matches décisifs, fin mars. Pour qu'ils aient l'esprit tranquille. Avec d'autres en fin de contrat, on s'était dit qu'il n'y aurait prolongation que s'il y avait montée. Le principe de la carotte... Comme ça, tous les joueurs étaient impliqués dans l'aventure. On se bat toujours mieux pour sa propre maison que pour une maison de location... Mais l'inconvénient, c'est qu'avec toutes ces prolongations, notre budget recrutement avait sensiblement diminué. »
Quel budget ?
Celui du SUA sera meilleur. Car en juin, les comptes du club, qui n'auront plus besoin d'un chèque présidentiel pour être équilibrés, en auront fini d'être plombés par les contrats Top 14 signés juste avant la descente de 2007. Cependant, le budget du SUA, en cas de montée, aura bien du mal à dépasser les 9 millions d'euros (contre 6,7 millions cette saison, le plus gros de Pro D2), à moins que les sponsors n'attendent l'officialisation de l'accession pour pousser derrière les Bleu et blanc.
C'est le type de discussion qui agite Armandie en coulisses mais que le président Alain Tingaud se refuse pour le moment d'avoir en public. Il prépare une sortie médiatique d'ici une quinzaine de jours où il annoncera quelques recrues sans condition (Kouider, voire Ahotaeiloa et Moala), d'autres avec (Courrent, voire Shvelidze), la prolongation du duo Lanta-Deylaud, ainsi que celle du deuxième ligne Damien Lagrange.
Pour ce dernier, le club et le joueur partent uniquement sur un contrat version Top 14 alors que l'hypothèse Pro D2 avait été envisagée lors de la prolongation de Thibault Lassalle en février. Comme quoi, malgré l'inoubliable croche-pied d'Oyonnax l'an passé en demi-finale, les Agenais, guidés par leur histoire et leur première place, ne peuvent s'empêcher de regarder à l'étage du dessus. Après tout, quand ils avaient appelé l'ascenseur cet été, c'est sur le bouton Top 14 qu'ils avaient appuyé.
(1) Agen reçoit Colomiers, Narbonne et Lyon, va à Aix et Tarbes. Oyonnax reçoit Bordeaux, Grenoble et La Rochelle, va à Mont-de-Marsan et Auch.
Auteur : thierry dumas
Sud Ouest