Ca faisait un petit moment que je voulais poster cet article sur ce forum, je prends enfin le temps de le faire. Il s'agit d'un article du journal distribué à J DAUGER et récupéré lors du match AB - CAB du 24/03.
J'aime beaucoup l'esprit de P. SELLA, il me semble qu'il est resté fidèle à ses idées et son discours respire l'humilité.
Bref tout cela pour dire que son retour au SUA n'est que du bon si seulement il pouvait transmettre toutes ces valeurs au sein du club que ce soit dans son fonctionnement, dans l'orientation du jeu et de la politique du club ce sera que du bon. Bravo encore un fois à cet artiste qui a su rester simple.
Raison de plus pour espérer une issue heureuse à ce championnat.
Il a y surement quelques fautes, c'est du à la reconnaissance de texte de l'article scanné.
HAIZ'EGOA
Lors de la finale de 1982, vous marquez un essai au bout de 4 minutes. Depuis, une question taraude les Bayonnais, étiez vous hors jeu sur le renvoi de Claude UTHURRISQ?
P. SELLA: (sourire...) Pour dire vrai, je n'a jamais revu le match en entier même si on m'a donné des DVD. Franchement, et pour avoir vu quelques images et ralentis, je pense que j'ai dépassé la ligne. Comme cela arrive très souvent quand il y a des contres, on saute et on arrive parfois dans le camp adverse. C'était le cas sur le coup. Et pour parler de coup, je crois que s'en fut un sur la tête des Bayonnais.
HAIZ'EGOA : Comment avez-vous vécu cette finale avec face à vous des joueurs de grande renommée comme Christian Belascain?
P. SELLA : C'était ma première saison complète à Agen. Sur les phases finales. à chaque match je rencontrais des joueurs Internationaux. J'arrivais des juniors et à chaque fois c'était un challenge extraordinaire : jouer face à Codorniou et Sangalli (Narbonne) en quart de finale, Bourret (USAP) en demi finale. En finale, tu joues Pardo, Belascain, Perrier, la ligne de trois quart de l'équipe de France à la sortie du tournoi des 5 nations. Pour un joueur c'est un honneur de les rencontrer et l'idée c'est de se mettre à la hauteur de l'événement et des joueurs que tu as en face. Quand tu n'a pas beaucoup de temps de jeu à ce niveau là et c'était mon cas, tu peux te liquéfier, avoir la trouille et le stress peut t'empêcher de jouer à ton meilleur niveau. Moi par contre, j'avais un côté insouciant j'ai croqué pleinement dans cette vie de sportif. J'avais le bonheur suprême de jouer dans le club que j'aimais. Face à ces internationaux, j'avais donc ce côté inconscient, vivant à fonds cette aventure. A 20 ans, on ne peut pas vraiment parler de maturité mais je voulais relever des défis, et avant le match en lui même et son résultat, c'était à chaque fois un challenge personnel avec les joueurs que j'avais en face. J'avais une certaine trouille mais que j'éliminais au fil de la semaine avant le match.
HAIZ'EGOA ; Comment avez-vous été pris en charge par les anciens, Tolot, Dubroca ... ?
P, SELLA: Quand je suis arrivé à Agen je n'avais pas tout à fait 19 ans. J'étais le plus jeune et ils m'ont appelé le «bébé ». Cela dénotait un état d'esprit, j'étais adoubé par les joueurs, ils m'ont protégé. J'étais un peu merdeux face à eux mais j'aimais cette ambiance, cette atmosphère. J'étais timide en dehors du terrain, réservé, à l'écoute, observateur, j'absorbais beaucoup.
HAIZ'EGOA : Cette finale de 1982 vous a-t-elle permis de vous dire que vous pouviez faire carrière dans le rugby?
P. SELLA: Je crois qu'il faut être ambitieux quand on entre quelque part mais en gardant les pieds sur terre. C'est toute la difficulté. Mon entraîneur de Clairac me disait de ne jamais oublier d'où je venais et je ne l'ai jamais oublié. Mais il y avait cette étoile que j'avais envie de toucher et le fait d'avoir joué en équipe première à Agen m'a permis de ne jamais lâcher. J'ai eu faim, j'étais travailleur, assidu sur les entraînements et même quand il n'y en avait pas, j’allais courir. Je me suis mis dans des dispositions pour essayer de conquérir. J'avais un côté volontaire qui m'a permis de me remettre en question. L:humilité est importante tout autant que l'ambition, avec l'idée de vouloir se réaliser. Cette première saison a été capitale et tout est allé très vite aux côtés de joueurs comme Mothe, Vivies, Delage, Dubroca et Erbani. J'ai beaucoup croqué de ce qu'ils savaient faire. Il y avait une très bonne communication avec les entraîneurs Benesis et Mazas. Il y avait aussi une participation extraordinaire autour de ce que les entraîneurs mettaient en place et une responsabilisation des joueurs eux-mêmes. Cela a permis la construction de l'équipe mais aussi ma propre construction. Ces phases finales furent un déclic. J'ai eu la chance à titre personnel, ce qui est un bonheur, de marquer un essai à chaque match, qu'il y ait eu faute ou pas.
HAIZ'EGOA : Par rapport aux joueurs capés de l'Aviron, avez-vous eu un traitement particulier lors de la finale notamment de la part de Christian Belascain?
P. SELLA: Non, je n'ai pas de souvenir particulier. Par contre, avant la finale il y a eu une relation particulière entre les joueurs, moi je n'étais qu'observateur. Les internationaux se parlaient avant le match et j'étais surpris car je pensais que nous serions chacun de notre côté avec la pression et la tension de la finale. Cette relation qui existait entre les joueurs au niveau national, elle existait aussi le jour de la finale. Cela m'a surpris mais je trouvais ça génial. Ce fut ma première grosse image au Parc des Princes. Après sur le match, tu es complètement dedans et tu ne te rappelles pas grand-chose. J'ai passé beaucoup de temps en concentration et en préparation comme sur les matchs précédents car j'avais en face de moi des
joueurs de très haut niveau. C'est un honneur et quand tu joues face à eux, tu n'as envie que d'une chose, de ne pas être ridicule, de relever le
défi et d'essayer de le gagner. Pour y arriver, tu te sers des co-équipiers, de l'équipe. Tu vas rechercher de l'information, regarder le jeu de l'adversaire, comment il fonctionne. C'est une préparation très personnelle, je l'ai toujours fait sans savoir si c'était bien ou pas. Avec le temps, ie me rends compte que j'ai pu réaliser des choses grâce à cette implication personnelle. Le sport collectif est performant quand il y a une relation entre les joueurs et quand chaque joueur est capable de se mobiliser au mieux.
HAIZ'EGOA : Dans les années 80, Agen c'était l'équipe de Ferrasse, avec toute l'influence qu'il pouvait avoir sur le rugby de l'époque, comment viviez vous cela?
P. SELLA: Quand j'étais déjà en junior à Agen, je ne le vivais pas très bien pour être franc. Je trouvais dommage qu'une décision d'arbitre puisse appartenir à Ferrasse car l'arbitre est toujours là aujourd'hui, il peut se tromper dans un match. Je me suis rendu compte après que c'était une sorte de jeu en fait et que partout où on pouvait aller c'était pareil, même après l'ère Ferrasse. Au niveau international, Ferrasse a joué un rôle très important pour défendre les valeurs de notre rugby. Il est vrai que des joueurs ont pu avoir des sélections en équipe de France car la présidence était à Agen.
Les entraîneurs comme Fauroux venaient souvent voir des matchs à Agen. Des joueurs étaient donc beaucoup plus observés que d'autres. Je reconnais que c'était un atout supplémentaire d'avoir un président dans le secteur. A titre personnel, je m'en suis toujours défendu, je voulais être parmi les meilleurs, en combattant sur le terrain, en étant le plus régulier possible.
HAIZ'EGOA : Comme Serge Blanco vous avez été l'homme d'un club. On a l'habitude de dire à Bayonne que Serge Blanco n'a qu'un seul défaut, celui d'être biarrot ?
P. SELLA (rire ...) : Serge Blanco a une grande qualité, celle d'avoir été fidèle à son club de Biarritz pendant toute sa vie. Moi, j'ai été fidèle mais moins que lui. J'ai joué à Agen pendant 16 ans avant de partir deux ans aux SARACENS. Une fois que j'ai arrêté de jouer, je ne me suis pas investi dans le club d'Agen. Je ne suis pas une personne de pouvoir. Serge, il a une continuité derrière et je trouve ça beau de batailler encore pour ses couleurs, pour son club.
HAIZ'EGOA : Sachez qu'à l'Aviron Bayonnais, vous avez fait rêver un joueur, c'est Sam Gerber. trois quart centre et neveu de l'international sud africain Dany Gerber?
P. SELLA (surpris ...) : Je ne savais pas que c'était son neveu. J'ai joué souvent contre son oncle et nous avions une bonne relation et avons passé de bons moments ensemble. J'aime beaucoup les sud africain et ils m'aiment bien aussi. J'ai pas mal de copains là bas el je m'y rends souvent dans le cadre de mon travail. Je croise parfois Sam Gerber lorsque je commente des matchs mais je n'ai jamais fait le lien. C'est un bon joueur avec de très bons appuis, de bonnes courses.
HAIZ'EGOA : On ne connaissait pas votre premier surnom," bébé ", par contre le second est plus connu: « l'incomparable ". Qui vous l'a donné?
P. SELLA: C'est un journaliste de la Dépêche du Midi, Jean Louis Laffite. Il avait souvent des phrases. des mots lancés lors des matchs internationaux. Il m'a surnommé "incomparable" une fois puis deux et c'est resté, comme le "bayonne express" pour Lagisquet. C'est un joli surnom qui est très valorisant. Mais le surnom de bébé me plait beaucoup car il me ramène trente ans en arrière.
Après un grand merci, une poignée de main et l'inévitable photo souvenir. nous avons regardé partir Philippe Sella du haut de nos 40 ans mais avec nos yeux d'adolescents, les mêmes qu'en 1987 lorsque nous le regardions virevolter en coupe du monde. Puis nous avons assisté au match du top 14, depuis la tribune Lacroix, autre illustre joueur de l'épopée agenaise des années 80. De ce dimanche pluvieux en terre agenaise, ce n'est pas le match et son résultat que nous retiendrons (surtout pour les bayonnais) mais le souvenir d'avoir rencontré un homme incomparable dans le monde de l'ovalie. Incomparable de par sa disponibilité, sa générosité son humilité.