Agen mise sur l’électrochoc
Les entraîneurs virés, l’autogestion proclamée, l’arrivée de Broncan peut-être avancée, Agen est dans tous ses états avant le sprint final.
AGEN –
de notre correspondant
« IL VA FALLOIR faire quelque
chose ! » C’est une phrase lourde de
sous-entendus qu’a lâchée samedi
soir, dans les entrailles d’Armandie, le
directeur général du SUA-LG, Laurent
Lubrano, après les deux nouveaux
points abandonnés à domicile (16-16
devant Bayonne) par son équipe. Une
phrase qui a pris tout son sens, lundi,
quand les deux coaches, Didier Faugeron,
directeur sportif (encore sous
contrat), et Loïc Van der Linden, responsable
des avants, ainsi que le préparateur
physique, Laurent Ségura, lui
aussi issu du sérail briviste, ont été
débarqués.
Cette issue semblait inévitable à la lecture
des derniers résultats (trois points
pris sur vingt possibles depuis la trêve).
Huitième, mais avec quatre points
d’avance seulement sur le premier
relégable (Brive), le club lot-et-garonnais,
porté par un projet ambitieux
baptisé Agen 2010, et qui a toujours
connu l’élite, se retrouve au bord du
précipice. La conséquence sans doute
de cette crise larvée, entre le staff et le
groupe, qui gangrenait le club tout
entier depuis déjà de longues
semaines.
Pour faire court, le message n’est
jamais passé, la greffe n’a jamais pris.
Rejet total. D’un côté comme de
l’autre. Les joueurs reprochaient
ouvertement aux coaches un manque
de communication, de contenu aux
entraînements, de méthode, de
rigueur et d’autorité. Les hommes de
terrain regrettaient pour leur part que
le cordon n’ait jamais été vraiment
coupé avec leurs prédécesseurs, Christian
Lanta et Christophe Deylaud.
Et le Sporting dans tout ça ? Loin deses
ambitions européennes, incapable de
s’imposer à l’extérieur, d’aligner deux
succès de rang en Championnat, pire
de poser sa griffe sur un match, le SUA
n’a cessé de s’enfoncer dans la zone
rouge.
Broncan pourrait venir
prêter main-forte
En janvier, déjà, après le camouflet
albigeois (16-6), Van der Linden s’était
vu signifier que son contrat ne serait
pas prolongé. Réfractaire alors à des
coupes franches, la direction reprit
progressivement les clés du « sportif
», en imposant de nouvelles règles
de vie, en mettant même son nez dans
la composition de l’équipe. Sans résultat.
Les dirigeants auront pourtant
essayé. Mais ni les « gueulantes » du
président Dubroca, ni les piqûres de
rappel du directeur Lubrano, ni les
entraînements à la fraîche (à 6 h 30 du
matin) « pour piquer l’orgueil des
joueurs », ni les mises au vert répétées,
ni l’instauration d’un historique
huis clos avant la venue de Bayonne,
ne trouvèrent écho. Henry Broncan,
l’entraîneur d’Auch, fut même approché,
dernièrement, pour finir la saison
avec son futur club. Sans suite. Les
joueurs furent carrément sollicités
pour s’autogérer jusqu’à fin mai, proposition
que les cadres refusèrent poliment,
« ne sentant plus le groupe ».
La défaite à domicile contre Narbonne
(19-26), début avril, fut celle de trop.
Le départ annoncé des leaders emblématiques
Matthieu Lièvremont et
Gelez, le véritable détonateur.
Lundi, Daniel Dubroca et Alain Tingaud,
porteur du projet et futur coprésident
du SUA-LG, ont pris leurs responsabi
l ités. L’autogestion a
finalement été acceptée par quatre
joueurs, Matthieu Lièvremont et Lucas
Ostiglia pour les avants, Conrad Stoltz
et Luc Lafforgue – le plus ancien du
club – pour les trois-quarts. Ils seront
chaperonnés par Didier Raynal, ancien
joueur du Sporting dans les années 80,
proche de Lubrano et de… Lanta, et
qui a l’avantage de posséder un brevet
d’État. C’est donc lui qui s’assiéra sur le
banc, vendredi soir à Aimé-Giral, sans
doute secondé par Matthieu Lièvremont,
souffrant des cotes flottantes.
« Je n’ai eu qu’une nuit de réflexion, et
encore très courte. J’ai toujours eu la
fibre agenaise, je ne me voyais pas
refuser ce challenge. On a trois
matches pour assurer notre maintien.
Je ne vais pas entraîner, je suis là pour
les conseiller, pour observer, pour leur
redonner confiance », a simplement
affirmé hier matin « Titou » Raynal,
sur le terrain de Colayrac-Saint-Cirq (à
dix kilomètres d’Agen), Armandie
étant réquisitionné par les finales du
comité.« Je ne vais rien inventer, on va
simplement tenter de se retrouver sur
des choses simples », poursuit-il.
Après un premier entraînement matinal
et pluvieux, plus ludique qu’autre
chose, avec petit foot, rugby à toucher
et franche rigolade au menu, les
trente-quatre joueurs mobilisés
–manquaient Barrau (genou), Elhorga
(cheville), Popescu (hernie), Tiatia
(cervicales) et Faaletino (genou) – ont
travaillé la défense, l’après-midi, cette
fois sous une pluie battante. Avec
application, concentration et détermination.
Ils ont beaucoup parlé aussi,
entre eux, sans piper mot aux journalistes
(consigne présidentielle).
L’heure n’est plus aux discours, mais à
l’action.
Agen, dont le calendrier final fait froid
dans le dos (va à Perpignan, va à Toulouse
et reçoit le Stade Français), a
trois matches pour assurer son maintien.
« Il nous faut prendre quatre
points », consent Daniel Dubroca.
Même si deux pourraient suffire… Si
l’autogestion est en marche, on dit
déjà que le sorcier gersois Henry Broncan,
libéré de ses obligations auscitaines
le 13 mai au soir, pourrait venir
très vite prêter main-forte. Au moins
pour préparer le dernier match, le
26 mai, contre Paris. On dit aussi que
Jean-Jacques Crenca, actuel entraîneur
joueur de Toulon, aperçu samedi
à Armandie, pourrait devenir la saison
prochaine le responsable des avants.
On dit enfin que les partants certains
– Gelez, Matthieu Lièvremont, Galasso
– , ou annoncés comme tel, seraient
désormais peut-être partis… pour rester.
CHRISTIAN DELBREL
DidierFAUGERON(entraîneur principal d’Agen remercié) : « Je ne tiens pas à
m’étendre sur le sujet. Ce n’est pas dans mon tempérament. J’ai été invité par
téléphone à passer àmon bureau. Je n’ai pas été surpris. Après, j’ai compris que je
n’étais plus entraîneur d’Agen. C’est une épreuve difficile à traverser mais je ne
suis pas abattu. C’est le lot de tous les entraîneurs confrontés à un manque de
performance. J’en suis là, voilà. On nous débarque mais je remarque une chose,
c’est que l’an dernier Agen a commencé à bien jouer à partir du moment où les
entraîneurs ont déclaré qu’ils partaient. Après, les Agenais ont fait parler d’eux par
les performances de Caucaunibuca qui n’avait pas manqué quatorze matches
comme cette saison. En fait, ce n’est qu’un constat. C’est quand même un curieux
fonctionnement dans un sport professionnel. Maintenant tant mieux si l’équipe
s’en sort. » – S. T.
DANIEL DUBROCA, le président d’Agen, explique la décision prise et le choix
du fonctionnement en autogestion pour éviter la relégation.
« Sauver le club»
Tempête sous trois crânes. Lundi pendant près de douze
heures, de midi àminuit, le président agenais Daniel Dubroca,
AlainTingaud,futurhommefort d’Agen,et le directeurgénéral
Laurent Lubrano ont réfléchi aux diverses mesures d’urgence
pour sauver le SUA de la relégation. Avec finalement l’adoption
d’un fonctionnement en autogestion pour les trois
matches restant à jouer.
« QUAND AVEZ-VOUS pris la
décision de limoger les entraîneurs
Didier Faugeron et Loïc
Van der Linden ?
– Je n’étais pas partisan d’une solution
aussi radicale mais face au
constat d’échec sur l’ensemble de la
saison malgré des remises en question
répétées nous ne pouvions pas
rester sans réaction. Nous avons utilisé
bien des arguments et il n’y a pas
eu d’amélioration. C’est dire que le
mal est profond. Il convenait donc de
prendre une décision puisque les
propositions des entraîneurs
n’étaient pas suivies. Il fallait agir
vite. Mais ça n’a pas été facile.
– Ne regrettez-vous pas
d’avoir tranché un peu tardivement
?
– L’heure n’est pas au regret. Les
regrets, c’est dans les cimetières
qu’on les manifeste. Aujourd’hui
nous ne pensons qu’au présent. Et le
présent c’est trois gros matches en
un mois et 4 points à assurer. On ne
veut regarder que vers l’avant. Et
dans l’urgence il fallait trouver une
réponse. Nous avions trois pistes et
nous avons choisi celle qui nous
ferait perdre le moins de temps.
– D’où l’adoption de l’autogestion
?
– Il convenait de responsabiliser les
joueurs. Matthieu Lièvremont pour
ses qualités humaines était tout
désigné. Lucas Ostiglia pour son
tempérament et Conrad Stoltz pour
son charisme et la maîtrise de
l’anglais qui sera indispensable pour
retrouver un collectif. La présence de
Luc Lafforgue pour son tempérament
et la connaissance du club
s’imposait également. Avec eux, on
a pensé à “Titou” Raynal parce qu’il
connaît bien le club, le rugby, et qui
de plus, est titulaire du brevet d’état
pour être admis sur le banc de
touche.
– Doit-on comprendre qu’en
impliquant Matthieu Lièvremont
et Luc Lafforgue vous
espérer les garder la saison
prochaine ?
– Pour avoir parlé avec eux, je sais
qu’ils ne vont pas décevoir. Ils sont à
fond dans notre logique. Ils veulent
sauver le club. Après on verra au
moment opportun et on reconsidérera
les situations de chacun si c’est
nécessaire.
– Ça le sera puisque leur
départ était lié au maintien en
place de Didier Faugeron ?
– J’en ai assez de ces histoires.
L’heure est au présent et on doit
composer ce présent avec les meilleures
volontés du moment. Et je
crois comprendre que les joueurs
sont tous animés des meilleures
intentions.
– Dans un tel fonctionnement
quel sera le rôle des dirigeants
?
– Je tiens à préciser que les dirigeants
assument la responsabilité
de l’échec. Ces précisions dites, le
président que je suis, Alain Tingaud
et Laurent Lubrano allons essayer
d’éviter de mettre une pression inutile.
On va être des éléments du
groupe. Il faut que les joueurs retrouvent
du plaisir. Il nous reste trois
matches à jouer pour une compétition
dans la compétition. Avec le
maintien pour objectif. »
SERGE TYNELSKI
Sujet: Une triste page du SUA tournée 
Mer 2 Mai 2007 - 23:46
