Ils rêvaient d'une reconversion réussie… C'est sur les bancs du tribunal, en tant que victimes, que Titou Lamaison, ancien demi-d'ouverture du XV de France, et Nicolas Martin, son coéquipier à Agen, ex-ailier du Stade toulousain, se sont retrouvés lundi après-midi. Les deux sportifs reprochent à leur ancien conseiller financier, Jean-Claude Michel, âgé de 65 ans, de les avoir roulés dans la farine. Et ils lui réclament 114 000 €.
Lundi, Jean-Claude Michel ,qui devait comparaître pour abus de biens sociaux en 2003 et 2004, s'est fait porter pâle. Son avocat, Me Manuel Furet, a présenté pour lui un certificat médical. Au milieu des années 90, alors que le rugby aborde le virage du professionnalisme, Titou et Nicolas se tournent, en toute confiance, vers l'homme d'affaires déjà conseiller d'autres rugbymen. Les deux amis le mandate pour un projet en vue de leur reconversion : monter une société spécialisée dans les énergies renouvelables, précisément dans les éoliennes. Jean-Claude Michel se veut confiant : « Tapez dans le ballon, je m'occupe du reste », assure-t-il.
Créée en 2003, cette société n'a jamais dégagé le moindre chiffre d'affaires. En 2005, le passif atteint 232 000€. « La gestion était totalement opaque, on n'avait accès à rien », déplorent les sportifs. Le parquet a requis un an de prison avec sursis et 30 000 € d'amende à l'encontre du prévenu et 50 000 € contre sa propre entreprise. Me Furet a, lui, demandé la relaxe : « Il n'avait aucune intention de fraude, c'était juste un mauvais gestionnaire ! » La décision sera rendue le 25 février.
Lamaison: «Je me suis fait piéger»
En prévision de sa reconversion, Christophe Lamaison s'est tourné, comme d'autres, vers un conseiller financier, Jean-Claude Michel, qu'il accuse de l'avoir escroqué de 148 000€.
Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Jean-Claude Michel ?
En 1997-1998, j'étais à Brive. À cette époque, le rugby devenait professionnel. On commençait à toucher de l'argent et on ne savait pas comment le gérer. Ce monsieur s'occupait déjà de rugbymen. Il proposait des produits de défiscalisation pour payer moins d'impôts. C'était quelqu'un de bien introduit dans le milieu, et dans le rugby, on fait confiance « bêtement ».
Que vous a-t-il proposé ?
Il avait tout un réseau d'assureurs, de banquiers, d'avocats, de promoteurs immobiliers… Son système consistait à créer une société. Le gérant était la compagne du sportif. Puis il nous faisait acheter des produits de défiscalisation : résidences hôtelières, Mapad, etc. Sur le fond, ce sont de bons produits, encore faut-il avoir des salaires réguliers sur le long terme. Or, une carrière de sportif de haut niveau dure cinq ans et les crédits de douze à quinze ans… Il y a un différentiel qui, pour moi, reste toujours à combler. Avec Nicolas Martin, on songeait à se reconvertir dans les énergies renouvelables. Et on s'est aussi tourné vers Jean-Claude Michel pour ça.
La reconversion justement, c'est un problème ?
Quand on voit les revenus des sportifs, il y a un certain confort, un cocon. Il est difficile de retrouver le quotidien. Mais c'est comme ça pour tout le monde : il faut trouver des projets, des motivations. Et il y a des personnes ressources pour ça.
Combien avez-vous perdu ?
Une société a été créée pour notre projet. Avec Nicolas, nous étions actionnaires majoritaires. On a apporté 78 000 € pour le capital et 42 000 € pour le compte courant. Soit 60 000 € chacun. C'est ce qu'on réclame aujourd'hui. Dans le cadre de la défiscalisation, toutes mes économies sont passées dans l'achat de biens immobiliers aujourd'hui invendables. Surtout, les commissions étaient exorbitantes. Ça m'a coûté 88 000€.
Quelle est aujourd'hui votre situation financière ?
Je propose des formations rémunérées dans le rugby. Je n'ai pas de dettes, mais je ne gagne pas d'argent avec ces placements. C'est un boulet que je traîne.
Quelle leçon tirez-vous ?
Quand on est sportif, on ne peut pas avoir la tête à ses affaires et au sport. Il ne faut pas tomber dans le panneau comme ça nous est arrivé. Il y a toujours des âmes malfaisantes…
Retraite: 70% des pros font une déprime
Gaël Arandiga, ancien joueur de rugby à XV, a pris en juillet 2007 la direction de Provale, l'Union des joueurs de rugby professionnels. Une reconversion qui est intervenue à l'issue de la saison 2006-2007. Il témoigne aujourd'hui des difficultés liées à la reconversion des joueurs de rugby professionnels : « Il y a de multiples difficultés. D'abord le gros gap entre les émoluments des sportifs professionnels et les salaires de la vie réelle. Et c'est pareil au niveau du statut : on redevient une personne lambda. En plus, depuis 2004, les joueurs qui partent en reconversion n'ont pas continué leurs études comme le faisait les semi-professionnels. Du coup, il y a un problème de qualification. Or, une reconversion réussie, c'est une reconversion anticipée. Car pour des reconversions non préparées, il y après de 70 % de joueurs professionnels qui font un épisode dépressif. Pour éviter cet écueil alarmant, des dispositifs ont été mis en place. Ca consiste essentiellement en des formations et une veille particulière en fin de carrière. Il n'y a pas de secteurs privilégiés dans lequel se reconvertissent les joueurs, peut-être un peu plus le commercial. En tout cas, on essaye d'éviter de les orienter vers le métier d'entraîneur. Car si un bon joueur est souvent un bon entraîneur, il n'y a que trente clubs et pas plus de deux à trois entraîneurs pour chacun ».
Propos recueillis par Aline Aurias - La Dépêche
Sujet: Itw Lamaison... ton univers impitoyaaaableuh 
Mer 30 Jan - 9:19
