L'oeil de Laurent Bénézech

Laurent Bénézech revient sur la 15e journée du Top 14, marquée par le carton du Stade Français (29-0) face à une équipe toulousaine dont les cadres avaient été mis au repos. Notre consultant comprend la décision de Guy Novès, l'entraîneur toulousain : «la santé des joueurs avant tout» explique t-il. Il revient également sur la déroute de Montpellier face à Clermont (14-56), défaite qu'il juge positive pour les Héraultais, ou encore sur la bonne dynamique de Perpignan.

Le choc entre les Stades Français et Toulousain (29-0) n'a pas eu lieu. Le choix de Guy Novès de ne pas aligner sa meilleure équipe malgré 80.000 spectateurs au Stade de France vous paraît-il légitime ?

Bien sûr. Dans une saison très compliquée, il est important pour les entraîneurs de gérer leur effectif. Autant j'ai reproché à Guy Novès de faire jouer Clément Poitrenaud alors qu'il avait été blessé pendant la semaine, ou garder Romain Millo-Chluski sur le terrain pendant 80 mn à une semaine de sa sélection avec pour résultat une tendinite, autant je ne reprocherai rien cette fois, au contraire. La santé des joueurs avant tout. Je comprends la volonté de Canal + d'organiser une fête pour la diffusion de son 500e match de rugby en demandant cette affiche pour l'occasion, mais il était évident dès le départ que le fait qu'il tombe une semaine après la fin du Tournoi et 15 jours avant les quarts de finale de Coupe d'Europe était le pire moment pour espérer organiser un match de gala. Le diffuseur du Championnat aurait dû tricher dans ses comptes et attendre un mois de plus pour organiser sa petite fête !

Clermont a de nouveau fait le spectacle en inscrivant huit essais à Montpellier (56-14). Une telle claque peut-elle enrayer la dynamique héraultaise ?

Ce qui a cassé la dynamique montpelliéraine, c'est la sélection de ses quatre espoirs. D'un coup, l'équipe s'est trouvée privée de son épine dorsale et, en plus, cela a créé des distorsions dans un groupe pas encore mature. Entre des médias qui débarquent sans crier gare, des jeunes de vingt ans qui sont maintenant persuadés d'avoir tout compris et de vouloir l'expliquer à leurs partenaires, et surtout -peut-être-, une équipe qui se voit plus belle qu'elle n'est après avoir passé deux saisons à jouer le couteau sous la gorge, les Héraultais se sont fourvoyés. La défaite contre Clermont est du coup une chance pour les entraîneurs ! Par son ampleur, elle va permettre d'appuyer là où ça fait mal et d'espérer avoir des joueurs focalisés sur le travail au quotidien. Tout autre résultat aurait certainement masqué les manques de cette équipe et reporté la prise de conscience. C'est un électrochoc certainement, mais un électrochoc positif qui doit servir la performance de l'équipe. En tout cas, une chose est sûre, il y a du boulot, notamment dans la sortie et la transmission de ballons après chaque regroupement. C'est beaucoup trop lent pour surprendre une quelconque défense et même quand c'est rapide, les Montpelliérains attendent je ne sais quoi pour jouer !

Perpignan signe également une bonne série en disposant d'Albi (45-7). Les hommes de Jacques Brunel sont-ils définitivement lancés vers les demi-finales ?

Comme lors des dernières saisons, Perpignan va jouer sa place dans le Top 4 contre Biarritz à Aimé Giral début mai. En tout cas, pour le moment, les Catalans sont en train d'enclencher une belle dynamique. Victoire à Paris, victoire contre Albi avec bonus, on sent une montée en puissance intéressante à deux semaines des quarts de finale de la Coupe d'Europe. Le match à Bourgoin le week-end prochain pourrait être un bon test. En gagnant là-bas, les Catalans élimineraient définitivement les Berjalliens de la course à l'Europe, et prendraient un temps d'avance sur ses opposants pour la qualification en demi-finales. Mais en même temps, à une semaine de la Coupe d'Europe, Jacques Brunel peut être tenté de faire souffler ses joueurs cadres.

Castres profite aussi d'une belle dynamique pour décrocher une victoire importante (21-7) dans la course à l'Europe contre Montauban. Comment analysez-vous la progression des Castrais ?

L'effet Alain Gaillard pour sûr. Dans un club qu'il connaît bien et où le mode de gestion plutôt flottant est un problème pour l'autorité de l'entraîneur, Alain Gaillard a réussi à recentrer le discours autour du collectif et, aidé de son adjoint irlandais, ce qui est important face à un groupe de joueurs cosmopolites, il a créé une dynamique intéressante. Castres joue simple mais efficace, exploite bien les qualités de ses joueurs (il ne faut pas oublier la qualité initiale de cet effectif) et s'est créé une dynamique positive qui, logiquement le week-end prochain, devrait llui permettre d'occuper la 4e place devant Biarritz ! Le vrai test pour cet équipe arrivera, en revanche, juste après avec un double déplacement successif à Perpignan et à Bourgoin. Le minimum pour les ambitions de ce groupe sera de rapporter au moins 2 points de bonus défensif. Ce sera le vrai juge de paix car les Tarnais sont réputés dans le passé pour laisser filer les matchs à l'extérieur et perdre avec de gros écarts, ce qui a toujours gêné leur progression.

Dax a franchi une première marche en gagnant (11-6) contre Bayonne. Les Landais sont-ils sur la voie du maintien ?

Je pense qu'effectivement les Landais ont une très bonne carte à jouer d'abord parce qu'ils prouvent sur le terrain qu'ils ont le niveau du Top 14. Faire match nul à Perpignan en est la meilleure preuve. Et ensuite, parce que la situation devient de plus en plus difficile côté albigeois. L'alchimie qu'a, jusque-là, réussi Eric Béchu est en train de toucher à sa fin pour des raisons extra-sportives. De plus, les Albigeois vont maintenant à Clermont avant de recevoir Toulouse, ce qui va rendre encore plus difficile le travail de l'entraîneur albigeois pour garder un état d'esprit positif. D'une certaine manière, les Dacquois vont jouer leur saison le week-end prochain à Auch. Une victoire les ramèneraient au niveau des Tarnais, une défaite rendrait plus difficile les choses avec une réception du Stade Français à suivre.

En ProD2, le Racing Métro 92 a réussi à fissurer la forteresse d'Oyonnax, invincible à domicile depuis près de deux ans. Comment envisagez-vous la fin de Championnat entre Toulon, Mont-de-Marsan, le Racing et Béziers ?

Le Racing a, en effet, réussi la belle performance du week-end. Gagner à Oyonnax, dans des conditions climatiques difficiles, montre que les Parisiens montent en puissance. Il est possible que la victoire contre Mont de Marsan à domicile ait libéré cette équipe qui a montré une totale maîtrise du match. Le sprint final est en effet lancé. Je pense que Toulon gardera la première place jusqu'au bout. Le match Toulon - Racing pourrait relancer le Championnat mais il arrive, à mon avis, trop tard, à deux journées de la fin, pour tout remettre en cause. Par contre l'autre enseignement du week-end, c'est le lent glissement d'Agen qui s'éloigne de plus en plus des cinq premières places. Les Lot-et-Garonnais n'arrivent toujours pas à installer leur jeu et à créer une dynamique de la victoire qui permettrait justement de progresser dans la maîtrise de ce jeu. La situation devient grave pour les ambitions de cette équipe.

Propos recueillis par Sophie DORGAN

Sur la Pro D2 et sur les analyses du top 14 rien à redire.