ARBITRAGE. René Hourquet, le président des arbitres français, va passer la main à Didier Mené. Ensemble, ils évoquent l'évolution de leur activité au coeur du rugby devenu professionnelLa métamorphose du sifflet Président de la commission centrale des arbitres (CCA) de la Fédération française de rugby depuis 17 ans, le Bigourdan René Hourquet va passer la main au Provençal Didier Mené, qui a arbitré son dernier match de Top 14 en février à Toulouse. Le passage de témoin symbolique a eu lieu à Bordeaux, où René Hourquet présidait de jeudi à samedi son dernier congrès national d'arbitrage. Nous avons réuni les deux hommes pour évoquer le devenir de leur activité, dans un rugby professionnel où le poids de chaque décision arbitrale se mesure aujourd'hui en euros.
« Sud Ouest ».Quelles évolutions majeures ont transformé l'arbitrage ces dernières saisons ?
René Hourquet. D'abord, l'impact économique de nos décisions sur les classements, sur la rémunération des joueur, sur la situation des entraîneurs, tout cela a énormément changé avec le professionnalisme. Ensuite, il y a trop peu de personnes qui viennent à l'arbitrage : c'est passionnant, mais c'est un gagne-misère.
Faut-il dès lors revaloriser les prestations des arbitres ?René Hourquet. Je suis pour une revalorisation... mais pas trop ! Parce que, si ça devient trop intéressant, les gens vont vouloir rester pour des raisons autres que sportives, ils feront des compromis pour durer. Or l'arbitrage n'est pas une activité où l'on peut faire de compromis.
Didier Mené. Je sais que certains attendent que René parte pour que ça change, mais ils seront déçus. Je suis peut-être pire que lui. Je ne veux pas que des gens arbitrent pour des motifs économiques. Cela me semble dangereux.
Le contenu du « métier » n'est-il pas en train de changer ?Didier Mené. Les individus qui arbitrent doivent être meilleurs que par le passé du point de vue technique. Avant c'était le jeu dur, il fallait surtout du caractère. Aujourd'hui, il faut avoir une capacité d'analyse, de la une rapidité et de la précision, sinon on peut changer la face d'un match.
René Hourquet. C'est vrai. Avant, il fallait surtout gérer les comportements. Maintenant, il faut gérer techniquement. D'ailleurs, lorsque le match s'agite, les arbitres d'aujourd'hui sont souvent démunis quand il y a une bagarre...
Certaines phases de jeu restent un éternel sujet de contestation.Qu'en pensez-vous ?
René Hourquet. On ne peut plus arbitrer d'instinct, l'arbitrage est devenu plus dense. Aujourd'hui il y a la moitié des joueurs sur chaque foyer de recontre. Chaque plaquage, il y en a 180 ou 200 par match, donne lieu à un rassemblement de quinze à dix-huit joueurs !
Les nouvelles règles devaient amener, selon le mot de Pierre Villepreux, « un sport plus facile à arbitrer pour les arbitres »...René Hourquet. Je respecte le point de vue de Pierre Villepreux, qui connaît le jeu et la règle, mais c'est une vue de l'esprit, parce qu'il y aura toujours des foyers de rencontre. Aujourd'hui, on a 20 mêlées, 25 touches, après ce sont des points d'impact.
Didier Mené. Ce que veut dire Pierre Villepreux, c'est que l'arbitrage devrait être plus basé sur du factuel que sur de l'interprétation.
René Hourquet. Oui, il faudrait nettoyer la règle, par exemple, autoriser le jeu à la main dans les rucks. Comme ça, il n'y a qu'à arbitrer les rentrées dans les rucks, qui se voient assez nettement.
Que pensez-vous de l'évolution technique autour de l'arbitrage ?René Hourquet. La télévision, les ralentis sur grand écran dans les stades, ça pose problème. La vidéo facilite le travail et crée d'autres frustrations.
Didier Mené. C'est vrai, mais c'est globalement une bonne évolution. Le développement des micros, aussi, car cela donne une bonne image du corps arbitral et crédibilise la corporation.
À ce sujet, comment avez-vous jugé les phases finales du Top 14 ?Didier Mené. L'arbitrage a été bon et les équipes qui le méritaient ont gagné, en Pro D 2 comme en demi-finale du Top 14.
René Hourquet. La règle fait partie aujourd'hui de la préparation d'une équipe, parce qu'elles ont besoin d'être moins sanctionnées. Et l'exemple-type, c'est Perpignan cette année, qui a beaucoup travaillé pour être, malgré le tempérament catalan, l'équipe la moins sanctionnée du Top 14. Il y a eu un très gros travail du staff et des joueurs qui a été récompensé (NDLR : rappelons que Perpignan est champion de France).
L'essai du Perpignanais Jérôme Porical, qui met le pied en ballon mort en demi-finale face au Stade Français (25-21), était-il valide ?René Hourquet. L'essai est magnifique, mais si l'arbitre demande la vidéo, il n'est pas validé. Après, c'est une innocence de Porical d'aller tenter le diable (NDLR : le jeune arrière voulait aplatir entre les poteaux). A la décharge de l'arbitre, l'en-but est plein de bandeaux de pubs, et ça le gêne.
Didier Mené. En même temps, c'est assez beau de prendre un risque comme l'a fait Porical !
rugby Top 14 et Pro D2
Sud Ouest