Porteur d’espoirs
Après trois ans en Pro D2, Agen prépare son retour en élite. Mission (presque) accomplie pour ceux qui juraient de faire remonter le club. Et parmi eux, celui qui en fut le capitaine : Jean Monribot, 22 ans. Auteur de deux essais, dimanche, et symbole du renouveau.
Il a déjà vécu la H Cup, c’était un jour de victoire (7-19) à Édimbourg en 2006. Mais avant que le club ne s’effondre en Pro D2, ce fut sa seule apparition sous le maillot du SUALG. Jean Monribot n’a jamais connu le Top 14. International moins de 21 ans, celui qui avait été invité à prendre ses marques avec le groupe professionnel en 2006 par Christian Lanta n’a jamais été retenu lors de la saison de la chute. Une saison à s’entraîner en vain. Pour vivre un samedi en enfer sous la pluie d’Armandie en voyant ses potes couler contre Paris et laisser le club quitter pour la première fois l’élite en cent ans d’histoire. Jean Monribot n’y était pour rien. Il l’a pourtant vécu comme si c’était le cas. «Je me sentais impuissant. Quand on ne joue pas, c’est encore plus dur. » Au club, il reste encore neuf rescapés des années glorieuses. Neuf joueurs qui peuvent être fiers de leur fidélité. Mais Jean Monribot n’a pas à rougir à leur côté. Car dans le retour du SUALG qui se profile, le flanker a grandement sa part. Trois saisons à batailler pour ramener Agen à sa place.Trois saisons définitivement à part. Dans l’anonymat, l’enfant de Lalinde (Dordogne) arrivé au club alors qu’il était Cadet B a connu le capitanat à tout juste 20 ans grâce au choix d’Henry Broncan. Inoubliable : « Mais j’étais jeune, c’était ma première véritable saison avec le groupe professionnel. Alors parler à des joueurs comme Barrau, Gelez, Badenhorst, Koulemine… Je voulais tout donner pour eux et je ne m’occupais pas de moi. Je négligeais mon jeu: j’étais seulement focalisé sur la réussite du groupe. J’étais dans le sacrifice. Avec le recul, je crois que j’étais trop jeune. Mais toutes les expériences servent. Dans mon rugby, cela m’a grandi en me donnant plus d’assurance. » Il s’est aussi vu offrir son premier contrat professionnel (2008). Il a vu Agen tomber à Blagnac, il a vu une demi-finale s’envoler à Lyon, il a vu partir Broncan et revenir le duo Lanta-Deylaud, il a cru Caucaunibuca définitivement parti puis l’a vu de retour pour briller, il a perdu une demi-finale à Armandie contre Oyonnax. Il a souffert. « Tous les clubs veulent nous couper la tête. Nous avons vécu la guerre tous les week-ends.» Trois ans qui l’ont fait grandir en accéléré.
Adieu pudeur
Trois ans qui l’ont vu devenir un symbole. À son corps défendant. « Sella, Dubroca sont des symboles ». N’empêche, il incarne bien une équipe en pleine renaissance, un club qui a retrouvé ses valeurs. En 2007, le SUA était voué à devenir « Agen Tribu Rugby » et n’héberger que des ex-All Blacks. En 2010, il revient fidèle à son histoire en témoigne le sens qui a été redonné à la culture formatrice du club… Les heures claniques sont derrière. « Espoirs, anciens, étrangers, joueurs des îles : il a fallu du temps mais les barrières sont démolies. Entre nous, il y a moins de pudeur. On se cachait, on n’osait pas se dire les vérités ».
Agen, coeur rugby
Et l’horizon est enfin radieux. Mais parce que Lyon a triomphé à Aurillac samedi, Agen va encore devoir attendre avant de voir se matérialiser un retour parmi les grands. D’ici là, ne comptez pas sur Monribot pour l’évoquer. « Le Top 14 est à portée de main. On maîtrise notre destin. Mais c’est encore impossible d’en parler. Je ne veux pas rêver. Je veux juste vivre dans le présent. Ce serait se tromper. Il ne faut pas oublier notre défaite l’an dernier contre Oyonnax. On ne parlait que de ça et on s’est plantés.Trop s’avancer a été toujours été la cause de nos échecs. Toutes les histoires du club se rejoignent sur ce point. »
Lui, a retenu les leçons. Il sourit: «Agen est une ville de rugby alors il ne s’y parle que du Top 14. Ici l’euphorie gagne vite. Après, le Top 14 on y aspire tous. Moi le premier. » Mais il affirme que ce ne sera pas pour y refaire les mêmes erreurs. Monribot jure que le club a changé. « On véhicule une image plus saine, plus positive que par le passé. Il y a plus d’humilité, plus de travail, plus de professionnalisme. Le SUA a remis les pieds sur terre. Il y a davantage de politesse. Partout où on passe, on se doit d’être exemplaires. L’histoire d’un club est derrière nous. »
Jean Monribot élevé dans le respect le sait mieux que quiconque. Alors que le rêve est proche, il pense aux soutiens reçus pendant trois ans. « À toute la ville, aux bénévoles, aux gens qui nous ont aidés. » Il dédie un paragraphe à son président Alain Tingaud. Mais il vit aussi ces moments intensément pour des motifs plus personnels. Car l’épopée agenaise relève de l’aboutissement pour celui qui voulait devenir rugbyman professionnel depuis le CP et qui l’a décidé définitivement lors d’un entretien avec une conseillère d’orientation en sixième. « Il jouait pour ça » dit Paul Tandonnet, ex-coéquipier en espoirs. Et il n’a pas trahi en choisissant de prolonger en cas de montée en Top 14.
Jean a fait tous les sacrifices (mettant ses études entre parenthèses), tous les efforts, recourant même dernièrement aux services d’un psychologue pour renforcer son mental. Mais c’est aussi sa force, sans jamais s’empêcher de vivre. Pêche, théâtre, danse contemporaine, musique notamment à Luxey : Monribot a les yeux ouverts sur le monde qui l’entoure.
Il ne sera jamais ex-All Black. Qu’importe, la vraie certitude est ailleurs: Jean Monribot sera toujours digne du SUA. Agen, la renaissance.