La défaite est belle Un ballon qui naît au milieu des nuages, un ours qui enlève sa tête, un joueur à la retraite présent sur deux pelouses en même temps. Et, surtout, un magnifique bouclier : « c'est beau » un titre de Pro D2.
Avec son 13e essai, Caucaunibuca devient le meilleur marqueur de Pro D2. photoS emilie drouinaud
Agen a gagné hier après-midi. Pas les pros, défaits 29 à 27 à Tarbes, mais les Espoirs des Guitoune, Lagrange, Balès, Lamoulie et consorts. C'était en demi-finale du championnat contre le Stade Toulousain (32-18). La réserve agenaise a débuté le match une demi-heure avant les grands, à trois kilomètres de là, dans le village de Séméac exactement.
Alors, quand l'arbitre a sifflé le coup de sifflet final, François Gelez, le co-entraîneur des Espoirs, a sauté dans sa voiture pour rejoindre ses coéquipiers à Maurice-Trélut. Ses anciens coéquipiers, faudrait-il écrire. « Je ne voulais pas rater la remise du bouclier, lâche-t-il dans un vestiaire dégoulinant de champagne et de bière. J'étais triste de ne pas participer au dernier match de la saison. Mais au moins, je pourrais dire plus tard que j'ai arrêté ma carrière contre Lyon, le soir du match de la remontée. C'est beau. »
Fou de joie, le nouveau retraité est même entré sur la pelouse à quelques minutes de la fin, pour sauter dans les bras de Brice Dulin et Sylvain Dupuy, en train de s'échauffer derrière les perches. Ils ont souri simplement, au pied du panneau d'affichage, porté par cette vague de bonheur qui déferle le SUA depuis l'officialisation de la montée en Top 14 la semaine dernière. C'est drôle, car à ce moment-là, le planchot affiche 29-27 pour Tarbes et Romain Sola vient de rater la transformation de l'égalisation.
C'est l'avantage des équipes qui se déplacent à l'extérieur, lors de la dernière journée du championnat, avec 14 points d'avance sur son dauphin, la meilleure attaque, la meilleure défense et le plus grand nombre d'essais marqués : la remise du bouclier est plus importante que le contenu d'un match. Et ça s'est vu. En première mi-temps, les Agenais ont couru beaucoup moins vite que lors du tour d'honneur.
Pour clôturer la saison en beauté, le ballon du match débarque du ciel, dans les mains d'un parachutiste. C'est amusant, car les hommes de Lanta et Deylaud ont la tête dans les nuages en première période. Ou en Top 14 peut-être ? « La saison a été longue, les joueurs se sont relâchés. Comment leur en vouloir ? », tempère le manager à la moustache. « Ils ont fêté la montée dimanche, lundi et mardi. » Et rajoute : « Mercredi et jeudi aussi… »
Rup's, meilleur marqueur Les jambes agenaises sont lourdes. Les en-avants aussi nombreux que les cols dans les Pyrénées. Cela n'empêche pas Caucaunibuca, Vaka et Fonua de marquer leur essai (54e, 62e, 73e), après l'ouverture du score par Barnard (1ere), une première pour un demi d'ouverture suaviste cette saison. Avec respectivement 13 et 12 essais au compteur, Rup's et Opeti confortent le leadership agenais chez les meilleurs marqueurs du championnat.
Malgré la belle prestation des habituels abonnés au banc (O'Sullivan, du Plessis, Carabignac), malgré la bonne réaction collective en seconde période, malgré la volonté d'assumer dignement le sacre, le SUA démobilisé d'hier après-midi mérite cette défaite anecdotique. Et en face, les coéquipiers d'Anthony Bourgeois (19 points et 7/7 devant les perches), n'ont pas volé leur ration de louanges.
« On a joué 29 matches épuisants avant ce déplacement. La pression était retombée », rajoute Lanta. Agen peut-il quand même nourrir des regrets cette saison ? Ne pas avoir fait tomber Oyonnax dans sa citadelle, comme La Rochelle hier par exemple ? Ne pas avoir battu le total de points du Racing (107) et de Toulon (106), les deux derniers champions de Pro D2 ? « Aucun regret, balaye l'entraîneur. Vraiment aucun. Ou si, peut-être, celui de ne pas être allé chercher le bouclier à la maison, au milieu de la tribune Basquet. »
C'est beau, tout simplement C'est le président de la Ligue, Pierre-Yves Revol, qui a remis le trophée au capitaine Adri Badenhorst à l'issue de la rencontre. Celui même qui, il y a quelques mois au match aller à Colomiers, donnait rendez-vous à Agen en Top 14.
Le bouclier de Pro D2 n'est pas aussi beau qu'un Brennus mais il a quand même son charme dans les mains agenaises. « Nos deux dernières saisons sont… belles. Belles, voilà, c'est le mot », confirme Lanta. Au même moment, la mascotte de Tarbes Pyrénées Rugby ôte sa tête d'ours et tape sur l'épaule du technicien : « Bravo pour ce titre et bonne saison en Top 14. En espérant ne plus vous voir en Pro D2. Agen a une histoire quand même ! » Il file, et remet sa tête d'ours.
Le préparateur physique, Alex Déjardin, sort du vestiaire avec le sourire du champion. Derrière la porte, des bouteilles de champagne explosent, des cris de joie aussi. Autre endroit, autre époque. C'était à Mont-de-Marsan en mars dernier (Agen perd 18-12). Derrière la porte, des gueules de défaite et un silence de stade vide. Ce jour-là, Alex Déjardin a pourtant ce même sourire. Car le bonus défensif arraché par François Gelez à la dernière seconde permet au SUA de sauver sa première place avant le sprint final. Le préparateur physique chuchote en fermant la porte : « C'est bon, on va y aller. » Il parlait de Top 14.
Sud Ouest