Rugby - Saint-André : "Voilà ce que je propose pour les Bleus"Publié le mardi 30 novembre 2010 à 10H52
L'ex-capitaine du XV de France livre des pistes après le désastre de samedi
En 1997, l'entraîneur du RCT a connu la même situation en tant que joueur du XV de France. Il sait de quoi il parle!
(Photo f. Speich)
Il a arrêté sa carrière internationale sur une débâcle, contre l'Afrique du Sud en 1997 (10-52), plus lourd revers du XV de France à domicile en terme de points jusqu'à la correction infligée par l'Australie, samedi dernier (16-59). Consultant occasionnel pour
RMC Sports, le directeur sportif du RC Toulonnais, Philippe Saint-André a assisté à cette noyade des Bleus version 2010. L'ancien capitaine de la sélection (69 capes) a un importantissime match de Top 14 à préparer avec son club (5e) face à Montpellier (2e), programmé ce vendredi à Mayol, mais il a accepté de s'exprimer sur l'équipe nationale, hier. En technicien et observateur avisé.
Que vous inspire la déroute du XV de France ?
Philippe Saint-André : Je comprends le désarroi des joueurs et du staff, car je m'étais trouvé dans la même situation en 1997. À cette époque-là, le rugby était pro depuis deux ans. En France, on avait refusé de franchir cette étape, mais la raclée subie au Parc des Princes nous avait conduits à adhérer à cette évolution. Treize ans se sont écoulés. On dispose d'un championnat exceptionnel, c'est profitable. Mais j'estime qu'il faut songer à un système spécialement adapté aux 30meilleurs joueurs français et à l'équipe nationale si l'on veut rivaliser avec les nations de l'Hémisphère Sud. Prenez l'Australie. On a affaire à une équipe de talent et surtout de club. Les gars sont ensemble depuis le mois de juin. Les internationaux français, eux, ont déjà disputé 14 matches, championnat et Coupe d'Europe confondus. Après s'être enfilés un programme pareil, ils se sont retrouvés pour un stage de trois semaines. Durant une période aussi brève, le staff est obligé de simplifier le système de jeu. Déjà nous, en club, on n'a pas le temps de tout faire, alors, imaginez l'équipe de France!
Est-ce l'unique raison de ce fiasco ?
P.S.-A. : On peut critiquer la composition du groupe, les choix,les plans de jeu, mais moi, je n'irai pas sur ce terrain-là. À un moment donné, si on veut que l'équipe de France soit une priorité, il faut donner les moyens aux entraîneurs et aux joueurs de pouvoir se mesurer à armes égales aux meilleures nations du monde. Actuellement, ce n'est pas le cas. À chaque Coupe du monde, on efface une partie du retard à la faveur d'une grosse préparation de 2 ou 3 mois. Sur un match, une rébellion, on sait aussi qu'on est capables de faire un coup, comme en 2007 face aux All Blacks (
20-18 en quarts de finale). Mais on s'aperçoit que, sur la durée, on est encore loin d'adversaires tels que la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud et l'Australie. Pour des confrontations aussi relevées, on n'est pas invités.
Hormis un système destiné à "protéger" les joueurs de l'équipe de France, que préconisez-vous d'autre pour se hisser à la hauteur de ces nations ?
P.S.-A. : Il y a plein d'aménagements à réaliser. Si la Fédération aspire à bâtir son propre stade, investissement de 600 M€ à la clé, elle sera ensuite obligée d'imiter l'Angleterre, le pays de Galles et l'Irlande qui programment quatre tests-matches en novembre. Cela permettra non seulement de rentabiliser cette opération financière, mais aussi et surtout de réunir les 30 meilleurs internationaux français durant deux semaines supplémentaires. Ce serait un premier pas déterminant, avant d'élargir encore les périodes de rassemblement. Tôt ou tard, il faudra faire des choix. Clubs et Fédération devront trouver un consensus.
Mais ce serait incompatible avec les intérêts des clubs !
P.S.-A. : Une nouvelle organisation serait forcément nécessaire. On peut imaginer une licence à points avec un nombre de matches précis à disputer en club. À la Fédération et au sélectionneur d'élaborer un cahier des charges, propositions claires à l'appui.
N'est-t-il pas suicidaire d'aller à la Coupe du monde si on ne change rien d'ici là, à commencer par le staff en place ?
P.S.-A. : Non, car avec trois mois de préparation en commun l'été prochain, le niveau tactique et physique évoluera de manière favorable. En attendant, il va falloir digérer la terrible gifle de samedi dernier. C'est tout sauf évident.
De notre envoyé spécial à Toulon, Laurent Blanchard - La Provence.com