Philippe Ruggieri (Aviron Bayonnais) : "On aperçoit la lumière"
Malgré un début de saison décevant, le vice-président Philippe Ruggieri est persuadé que l'Aviron avance dans la bonne direction. Entretien.
Sud-Ouest
« À 73 ans, je ne suis pas tout jeune. Mais j'ai du temps libre et je sais mener une boîte, je l'ai montré durant ma carrière professionnelle », estime Philippe Ruggieri.
Bras droit d'Alain Afflelou, auquel il se sent « viscéralement attaché », Philippe Ruggieri distille sa parole publique avec parcimonie. À 73 ans, l'ancien promoteur, vice-président de l'Aviron Bayonnais en compagnie de Thierry Beheregaray, revient pour "Sud Ouest" sur le début de saison des Basques. « Je suis confiant, dit-il. Pas optimiste, confiant. »
« Sud Ouest ». Quel premier bilan dressez-vous, après quatre défaites en cinq journées de championnat ?
Philippe Ruggieri. Notre calendrier était difficile. On a affronté Clermont, demi-finaliste du championnat de France et ancien champion. Après, on a battu le Stade Français, prétendant annoncé aux six premières places. Peut-être pas glorieusement, mais on les a battus. Ensuite, on s'est rendu à Castres, également demi-finaliste malheureux du dernier championnat. À Perpignan, on a des regrets contre une équipe fortement amoindrie. Il y avait quelque chose de mieux à faire. Mais avec le recul, ce n'était peut-être pas si mal car l'Usap a flanqué ensuite cinq essais au Stade Toulousain. Enfin, on a affronté le Racing-Métro, clairement prétendant aux demi-finales.
Dans ce Top 14 si dense, cela risque d'être votre lot hebdomadaire…
Le championnat est très difficile, j'en suis conscient. Nous ne sommes pas en mesure d'être dans les six premiers cette année. Il faudrait être irréaliste. Quand j'étais promoteur, je me suis toujours interdit d'aller attaquer des opérations qui n'étaient pas à ma hauteur. La pire des choses est de s'imaginer plus beau qu'on est. Je ne suis pas pessimiste, je suis réaliste. L'année dernière, on s'est battu pour être douzième. Cette année, on ne sera ni douzième, ni treizième, ni quatorzième. C'est qu'il y a du mieux.
Remettez-vous en cause le précédent recrutement ?
Je ne suis pas responsable du recrutement de l'année dernière. Je prends la responsabilité de ce que je fais, pas d'autre chose. Actuellement, les choses sont claires : les entraîneurs définissent des profils de joueurs et les administrateurs valident, ou pas. L'année prochaine, on a un certain nombre de joueurs en fin de contrat. Il y aura un renouvellement important.
Vous y planchez déjà ?
Bien sûr ! À ma demande et en concertation avec les entraîneurs. Il s'agit d'identifier les manques, de faire une radioscopie de l'équipe. Je suis sûr que si vous mettez Mike Phillips derrière le pack du Pays de Galles, ce n'est pas le même qu'à Bayonne. Les demi de mêlée brillent si leur « huit » avance. Idem pour Joe Rokocoko. Il a peut-être trop de talent pour l'équipe dans laquelle il est. Et il n'ose pas prendre les risques qu'il prenait auparavant, lorsqu'il avait du monde à ses côtés.
Quel est précisément votre projet à moyen terme ?
On a un projet sur trois ans avec le président Alain Afflelou et les entraîneurs Christian Lanta et Christophe Deylaud. Nous irons tous les quatre au bout de ce projet. Je suis complètement convaincu qu'on a pris le bon duo d'entraîneurs. À part Travers et Labit (NDLR : entraîneurs à Castres) et l'équipe de Guy Novès à Toulouse, je ne suis pas sûr qu'il y ait mieux dans le rugby en France.
Peut-on parler d'année transitoire pour débuter ce cycle de trois ans ?
Exactement. L'année prochaine, j'espère qu'on montera encore en puissance. Et celle d'après…
La H Cup ?
On verra. L'idée est aussi d'intégrer les jeunes, à l'image d'O'Connor, Gayraud, Ugalde… Je compte en faire signer d'autres, surtout quand on voit le niveau des Reichel et Gauderman, champions de France la saison dernière.
Revenons à ce début de saison. Malgré l'absence de résultats, on sent moins d'affolement que par le passé...
Je ne suis pas du tout paniqué. Je comprends l'attente des supporters. J'espère qu'ils seront patients, qu'ils comprendront que l'on met tous nos efforts, tout notre temps et toute notre intelligence - pour autant qu'on en ait - au service du club. Après, on ne peut pas empêcher les gens de dire : « Si ça avait été Dupont ou Durant, ce serait différent. »
En interne, le calme est-il totalement revenu ?
Du point de vue fonctionnement du club, ça n'a jamais marché aussi bien que maintenant. Tout le monde travaille dans le même sens, chacun reste dans son rôle. Il y a une grande sérénité de travail, ce qui n'était pas le cas auparavant. Mais je ne garde aucune haine envers l'ancienne équipe. Depuis qu'il n'est plus président, j'ai d'ailleurs plusieurs fois entrepris des démarches pour rencontrer Francis Salagoity.
Ont-elles abouti ?
On s'est rencontré. On discute. Ce garçon a tout de même réalisé des choses exceptionnelles pour ce club.
À titre personnel, comment vivez-vous la pression populaire autour du club ?
À Toulouse, le rugby est une passion. Ici, c'est une religion. Je reçois des mots d'insulte mais ce n'est pas grave. Je le dis toujours : les victoires sont pour les joueurs et les défaites pour les dirigeants et les entraîneurs. Les chiens aboient et le tout, c'est que la caravane passe.
Sans excuser ce genre de comportement, les supporters sont tout de même allés de déception en déception au fil des saisons…
Ils restent fidèles malgré des résultats dont on ne peut pas dire qu'ils ont enthousiasmé les foules. Globalement, depuis que l'on est remonté en Top 14, on joue le maintien tous les ans. Je pense que des joueurs sont traumatisés, voire pire : habitués. J'espère que non, mais je me demande s'il n'y a pas des joueurs chez qui la défaite fait moins mal qu'avant.
Peut-être pourriez-vous engager un psychologue, un sophrologue, un préparateur mental…
Monsieur Lanta est un homme remarquablement intelligent. On n'a pas besoin d'autre chose que de lui, même si on sent nettement que certains joueurs sont constamment dans le combat, d'autres pas. On est dans un tunnel. On se dirige vers la sortie, mais on n'est pas encore dehors.
Et vous apercevez la lumière ?
Je crois qu'on l'aperçoit. Dans ce tunnel, je me suis dirigé du bon côté, celui de la lumière. C'est déjà pas mal quand il fait noir, qu'une des entrées du tunnel est bouchée et que vous ne savez pas laquelle...
Que répondez-vous aux gens qui disent que le club a échappé aux Bayonnais ?
Je leur réponds que je ne savais pas qu'il fallait un passeport pour venir ici. Et s'il y a des gens que ça intéresse, mon père est Italien et ma mère est Basque. Je passais tout mon temps ici, où j'ai une maison depuis 30 ans. Je suis d'ailleurs mitoyen de Serge Blanco.
Ou plutôt, c'est lui qui l'est, puisqu'il a emménagé après moi. Vous savez, je pourrais être un retraité tranquille et je suis tous les jours au boulot.
Le match de Toulouse est-il plus décisif que les précédents ?
C'est aussi compliqué de rencontrer Toulouse que Clermont ou le Racing.
Mais dans la dynamique actuelle…
Un match qui peut être important, c'est celui contre Biarritz. Des deux côtés, l'engagement sera total, les joueurs s'arracheront les tripes (sic). Il est certain que les incidents de l'année dernière et la défaite à Biarritz, assez imméritée, ont pesé lourd dans notre saison.