Nouvelle mêlée : la fin des piliers XXL ?Par Arnaud Coudry, 11-09-2013 - Sports24
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Les nouvelles règles en mêlée ayant supprimé l’impact avant l’introduction, les piliers de grand gabarit se retrouvent à la peine. Un changement des règles qui relance les piliers petits et costauds à la française.
Retour de la mêlée «à l’ancienne». Ces trois dernières saisons, les règles de cette phase de jeu emblématique du rugby à XV ont évolué. Depuis le début de la saison, on assiste à une refonte complète de la mêlée avec la fin programmée de l’impact avant l’introduction. Désormais les premières lignes doivent se lier et stabiliser l’édifice avant que le ballon ne soit joué. Et déjà, les premières victimes de ce retour en arrière sont toutes désignées : les grands piliers, ces joueurs mesurant plus de 1,90 m alors que, schématiquement et historiquement, les «pilards» étaient les petits gros de l’équipe.
Avantage instantanéDans le Top 14, ces piliers XXL sont légion : Census Johnston (1,91 m), Carl Hayman (1,93 m), Andrew Sheridan (1,95 m), Vincent Debaty (1,91 m), Gurthrö Steenkamp (1,90 m), Soane Tonga'uiha (1,91 m)… Le morphotype des premières lignes avaient totalement changé ces dernières années : plus grands, plus lourds (pour peser à l'impact) mais aussi plus coureurs, tels des troisième ligne. Sauf que le retour à une mêlée sans impact handicape maintenant ces joueurs. «Ce n’est pas nouveau. Si un petit pilier arrive à passer en-dessous de son vis-à-vis plus grand, le grand pilier est mort. Avec l’instauration de la liaison, les petits gabarits ont un avantage instantané, c’est aujourd’hui très visible. C’est avec les piliers droits très grands qu’il y a des problèmes», explique Patricio Noriega, entraîneur des avants du Stade Français et ancien pilier international pour l’Argentine puis l’Australie.
Cette directive favorise la morphologie du pilier français, la mêlée redevient un exercice de poussée s’appuyant sur nos qualités traditionnelles
— Yannick BruYannick Bru, lors de l’annonce du groupe pour le stage préparatoire à la tournée de novembre, se félicitait de cette marche arrière concernant la mêlée. «Cette directive favorise la morphologie du pilier français, la mêlée redevient un exercice de poussée s’appuyant sur nos qualités traditionnelles, confiait l’ancien talonneur du Stade Toulousain. Les grands piliers du Sud, qui basaient tout sur leur puissance à l’impact, vont perdre l’avantage. On revient vers un très beau combat, un affrontement noble. Pour moi, ça va dans le bon sens.» Et de justifier la sélection du pilier du Stade Français, Rabah Slimani (1,78 m) : «On l’a sélectionné parce que les nouvelles règles favorisent son gabarit : petit et costaud.»
Benjamin Kayser, le talonneur de Clermont qui évolue aux côtés de Thomas Domingo (1,73 m), confirme : «Les petits piliers compacts sont en effet avantagés. Les grands gabarits doivent désormais s’allonger dès le début de la mêlée. Avant, ils pouvaient y parvenir grâce à l’impact et à la poussée qui suivait. Là, ils n’ont plus le temps.» Les grands gabarits seraient-ils définitivement dépassés, bons pour la casse ? «Un pilier comme Census Johnston, qui dominait en mêlée depuis plusieurs saisons, manque d’automatismes. Mais il va les trouver. C’est juste une question de temps», poursuit Benjamin Kayser.
Le contre-exemple Benjamin SaPatricio Noriega donne quelques pistes : «Ce n’est pas impossible pour un grand joueur de s’adapter à cette nouvelle donne. Mais cela va demander un gros travail technique pour combler ce déficit. Il faut s’adapter avec une bonne position des appuis, des genoux et du bassin. Sans perdre la poussée dans l’axe. Il y a plein d’exercices pour y parvenir, en travaillant avec les physios et les kinés. Il va falloir qu’ils gagnent notamment en flexibilité du dos et des jambes.» Mais l’ancien entraîneur des avants du Racing-Métro n’est pas inquiet, il cite d’ailleurs en exemple le pilier samoan Benjamin Sa (1,93 m), qu’il a eu sous ses ordres dans les Hauts-de-Seine et qui évolue désormais à l’Union Bordeaux-Bègles. «Il est énorme, salue-t-il. J’ai regardé ses derniers matches avec sa nouvelle équipe. Il a une très bonne technique corporelle, il prend bien l’axe. Il montre que l’adaptation est possible.» Pour Benjamin Kayser, «c’est une question de temps. Les gars vont s’adapter. Ce qui est désolant, c’est qu’on ait dû tout changer en seulement quatre semaines…»