Top 14 : pourquoi les Sud-Africains ont la cotePar Arnaud Coudry, 30-11-2013 - Sports24
Une semaine après la victoire des Springboks face aux Bleus, gros plan sur cette importante «légion étrangère» louée pour son professionnalisme et son impact physique.Une démonstration de force. Le XV de France a terminé, samedi dernier, sa tournée automnale par un revers contre l’Afrique du Sud (10-19). Des Springboks qui ont, froidement, fait étalage de leur puissance et de leur maîtrise. Dans les rangs sud-africains, on comptait cinq joueurs évoluant dans le Top 14 : l’ouvreur du Stade Français Morné Steyn, les Toulonnais Bakkies Botha et Bryan Habana et les Toulousains Gurthrö Steenkamp et Jano Vermaak. Une présence en équipe nationale qui fait écho à la place prépondérante qu’occupent les Boks dans le rugby français. On dénombre cette saison 79 rugbymen originaires de la «nation arc-en-ciel» dans les deux divisions professionnelles françaises (48 en Top 14 et 31 en Pro D2). Ce qui en fait, largement, les «étrangers» les plus représentés dans notre championnat devant les Anglais (50), les Fidjiens (46) et les Néo-Zélandais (40). Alors, comment expliquer un tel afflux dans l’Hexagone ?
Divers arguments en faveur des Sud-Af'Plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, une appétence pour le défi physique à outrance. «En Afrique du Sud, on aime le côté physique et il y en a beaucoup dans le rugby français», confirme Morné Steyn, le demi d’ouverture parisien. «En termes de jeu, les Sud-Africains apportent des gabarits que l’on ne trouve pas forcément beaucoup en France, explique au Figaro Damien Dussault, agent d’une quinzaine de joueurs, parmi lesquels Steyn, Steenkamp, Kruger et Vermaak. Ils sont aussi faciles à gérer dans un groupe. Ils ont une éthique de travail irréprochable, ce qui aide le job des entraîneurs.»
Autre élément prépondérant, leur facilité d’adaptation à la France. «Culturellement, même si c’est un peu lointain, l’Afrique du Sud a des racines européennes. Notre mode de vie convient très bien à ses joueurs. Et, parmi les trois nations du Sud (avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande), c’est aussi celle qui est la plus proche de nous, à seulement 10 heures de vol et presque sur même fuseau horaire…»
Surtout, l’explication principale d’une telle présence des joueurs sud-africains en France tient dans l’offre et la demande dans leur pays d’origine, la deuxième nation mondiale au niveau des licenciés avec plus de 630.000 pratiquants masculins (derrière l’Angleterre: 1,4 million), soit le double de la France (300.000 licenciés). Le réservoir est énorme mais les débouchés sont limitées. On compte seulement six équipes qui disputent la Curry Cup (le championnat des provinces), dont cinq s’alignent dans le Super 15 (compétition de l’hémisphère Sud), et il n’y a que huit équipes de deuxième division. Ce qui fait quatorze équipes professionnelles contre… 30 en France. Conséquence, le Sud-Africain a un rapport «qualité-prix» sans égal.
Les stars ne craignent plus de s’engager en Europe— Damien Dussault (agent de joueurs)
Après avoir longtemps tergiversé sur l’exode de ses meilleurs éléments (John Smit rappelé au pays après une saison à Clermont), la fédération n’est aujourd’hui plus réticente à convoquer des joueurs qui évoluent à l’étranger. «La Saru est probablement la plus pauvre des trois fédérations des nations du Sud. C’est pourquoi désormais on peut jouer en France et continuer d’être sélectionné pour les Springboks, poursuit Damien Dussault. Aujourd’hui, les stars ne craignent plus de s’engager en Europe, comme c’est le cas par exemple pour les Néo-Zélandais.»
L’histoire du XV de France se nourrit également de l’apport sud-africain. Récemment, Antonie Claassens (Castres), Bernard Le Roux (Racing) et Daniel Kotze (Clermont) ont porté à huit le nombre de Sud-Africains devenus internationaux français. D’aucuns militent pour que le demi de mêlée Rory Kockott, meilleur joueur du dernier Top 14, revêtisse le maillot bleu. Mais ces rugbymen n’auraient-ils pas pu devenir des Springboks ? «Pour beaucoup, cela paraissait très compliqué», estime Damien Dussault qui assure que l’afflux massif en provenance d’Afrique australe est loin d’être terminé. «Le potentiel est tel qu’on peut encore en faire venir beaucoup…»