SO du 14/03/2015
Rugby : les joueurs du XV de France surveillés par GPS
Afin d'augmenter leurs performances, les Bleus jouent sous l'étroite surveillance d'un petit boîtier GPS, une invention française utilisée aussi par l'Aviron Bayonnais et le Stade Rochelais. Explications
Mais quelle est donc cette petite bosse entre les omoplates des joueurs de l'équipe de France de rugby ? Depuis le début du Tournoi de six nations, la question turlupine les spectateurs tout en leur fournissant, au demeurant, un opportun dérivatif aux piètres performances des Bleus et à l'ennui mortel dégagé par certains matchs.
Un boîtier GPS
Jugée plutôt disgracieuse par les supportrices qui, en revanche, plébiscitent la couleur du maillot des Français, cette discrète excroissance n'est autre que le petit boîtier d'une balise GPS baptisée SensorEveryWhere. L'objectif de cette technologie n'est bien évidemment pas de localiser les joueurs du XV de France, mais de permettre à leurs coachs d'analyser leurs performances, individuelles et collectives, pour en tirer des enseignements susceptibles de les aider à progresser et à élaborer de nouvelles stratégies de jeu efficaces. Et cette année, il y a du boulot.
Un bijou de technologie "made in France"
L'application du GPS au monde du sport a démarré il y a une dizaine d'années pour le rugby, en Australie et en Nouvelle-Zélande, avant de se populariser pour d'autres sports, en Europe et dans le reste du monde. Aujourd'hui, nombre de grandes équipes sont équipées d'un tel système. Le XV de France bénéficie toutefois d'un véritable petit bijou de technologie unique au monde, imaginé par une société française, Digital Simulation, et entièrement construit dans le Val-d'Oise (la partie informatique à Jouy-le-Moutier, les boîtiers à Herblay).
En direct et en temps réel
Si d'autres fabricants proposent déjà ce type de produit de par le monde, Digital Simulation est, en effet, le seul à offrir des données utilisables en direct et en temps réel. Un exploit pour cette société créée il y a seulement quatre ans par trois associés spécialisés dans la géolocalisation militaire et qui avaient conçu à l'origine un système pour équiper les soldats. Suite à une rencontre avec un responsable de la Fédération française de rugby (FFR) qui s'est ensuite engagée à financer le développement industriel du produit, le projet s'est orienté vers le sport. L'entreprise qui a signé un partenariat avec la cellule scientifique de la FFR, a réalisé en 2013 un chiffre d'affaires de 300.000 euros.
Comment ça marche ?
Si le boîtier créé par Digital Simulation est utilisé à l'entraînement par les Bleus depuis la Coupe du monde de rugby de 2011, les rugbymen sont les premiers sportifs français à avoir le droit de le porter en match officiel. Les joueurs portent un capteur glissé dans une pochette placée entre les omoplates, qui enregistre leurs mouvements sur le terrain. Les informations centralisées sont aussitôt analysées par ordinateur et les préparateurs physiques peuvent visionner en temps réel une trentaine de données: vitesse, distance parcourue, mais également énergie dépensée et puissance développée par les champions, ou encore impact des chocs subis. Le système permet le cas échéant au staff technique d'intervenir sur le champ. Ainsi, lors d'un match, le demi de mêlée de l'équipe de France, Morgan Parra, après avoir subi un violent plaquage au niveau de la nuque, a aussitôt été sorti du terrain pour sa sécurité par les entraîneurs, qui avaient analysé l'impact du coup sur leur ordinateur. L'outil sert évidemment aussi au debriefing après le match et permet d'éditer des statistiques de toutes sortes sous forme de tableaux Excel.
En Dordogne, les écoles de rugby suivies par satellite
A Mussidan, une approche très scientifique des jeunes rugbymen dans l'effort.© Photo Bruno Boucharel
Le GPS aide aussi à faire évoluer l'apprentissage du rugby. Grâce à cette technologie, le pôle scientifique de la FFR a pu lancer en 2013 une opération destinée à déterminer le profil d'activité du jeune rugbyman de moins de 11 ans, afin permettre au comité directeur de la Fédération de juger de l'opportunité de rallonger les temps de jeu, comme le préconisait le rapport Broncan et comme le souhaitaient aussi les éducateurs. Avec Argenteuil, en région parisienne, Mussidan, en Dordogne, était l'un des deux sites sélectionnés. Les déplacements et la vitesse de vingt garçons et filles (dix du CA Périgourdin et dix du RC Mussidanais) ont ainsi été mesurés en octobre 2013 lors d'un tournoi, et les données décortiquées à Marcoussis par la commission nationale des écoles de rugby.
L'Aviron Bayonnais et La Rochelle aussi
Dans la région, les joueurs de l'équipe de rugby de l'Aviron Bayonnais et ceux du club de La Rochelle - promu en Top 14 pour la saison 2014-2015 - s'entraînent aussi avec le petit boîtier GPS inventé par Digital Simulation, comme le XV de France, les footballeurs de l'Olympique lyonnais et le centre de formation du PSG.
Le débarquement des drones
Un drone filme l'entraînement du club de rugby ASM Clermont-Auvergne, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), le 19 février 2015.© Photo THIERRY ZOCCOLAN / AFP
Après le GPS, le rugby français a franchi en 2014 une nouvelle étape dans l'usage des nouvelles technologies, avec l'arrivée des drones pour filmer les matchs. Ainsi, l'analyste vidéo du club de Clermont-Ferrand est également depuis le début de la saison l'opérateur du drone qui filme les entraînements du XV local. Un pas de géant dans la préparation scientifique des rugbymans professionnels, déjà suivis de très près sur le plan de la nutrition, de la préparation musculaire ou mentale.
L'application de Digital Simulation qui se développe dans d'autres sports que le football et le rugby (tennis, golf, athlétisme, hippisme), n'est toutefois pas promue à s'ouvrir au grand public, en raison de son coût : il faut compter entre 1.500 et 2.000 euros par joueur ou par athlète.