Philippe Sella analyse "son" SUA
Directeur Rugby du SUA depuis 2012, Philippe Sella poursuit sa mission dans l’ombre du staff. Trente-quatre ans après sa première sélection chez les Bleus, l’ancien centre assure que le terrain ne lui manque pas.
Partout où il passe, il est celui que les gens sollicitent en premier pour un selfie ou un autographe. Trente-quatre ans après sa première sélection chez les Bleus, Philippe Sella incarne toujours l'image du SU Agen. L'ancien centre aux 111 sélections œuvre dans l'ombre depuis 2012 dans son club de cœur comme Directeur Rugby. Un rôle qu'il a pris très à cœur, avec la même détermination que lorsqu'il était joueur.
Le début de saison du SUA
« C'est un début de saison satisfaisant sur le plan du résultat pur et dur. On est en tête dans un championnat très resserré où il y a peu de points entre le 1er et le 5e et où on n'a pas le droit au moindre faux pas. On a eu des matches très difficiles qu'on a souvent gagnés dans les dix dernières minutes, même si les contextes ont été différents, à force d'abnégation et de volonté. Il y a eu un match plutôt réussi contre Aurillac. C'est satisfaisant, on est fiers des garçons, des comportements et des ressources qu'ils ont pu avoir. Mais il y a encore des erreurs qu'il faut arriver à gommer très vite. Il faut notamment qu'on parvienne à finir un match à 15, il faut plus de discipline. À Oyonnax, l'indiscipline nous coûte deux essais. Il faut aussi être plus clinique et plus efficace chacun dans son rôle. »
L'objectif de la première place
« Elle est très disputée. C'est un championnat où il y a beaucoup d'équipes qui espèrent être sur le podium ou visent même cette première place. Et on fait partie de ces équipes-là. Sans avoir vraiment dominé ou maîtrisé toutes les rencontres depuis le début de la saison, on se retrouve dans le fauteuil de leader. On sait qu'il y a encore de la marge pour faire mieux. Et nous devons encore mieux faire par rapport à la concurrence qui est solide et féroce. Il y a toujours le risque du faux pas et du non match dans une saison. On y fait attention. On reste à notre place. On est fier de ce qui a été fait, mais on reste modeste. On n'a pas encore assez de qualité dans notre jeu pour être une équipe qui maîtrise complètement son sujet. »
L'évolution du SUA depuis 2012
« La première saison a été très difficile. Le changement amène toujours une méfiance, voire une défiance. Et c'est le cas pas seulement dans le sport. Cela a donc pris un peu de temps. Il y a ensuite eu relativement peu de changements et le travail de fond a été approfondi sur la transversalité et le plan de succession. Et ça marche bien, les résultats sont là. Il y a plus d'assise aujourd'hui avec pas mal de jeunes qui ont franchi le cap et montrent qu'ils sont à la hauteur de ce championnat. Tout ce travail de fond, à la fois sur le plan sportif mais aussi administratif et au niveau des dirigeants, et bien sûr les résultats, amènent une certaine sérénité. »
L'évolution de son rôle
« La cohésion entre les jeunes et les pros est essentielle. La cohésion entre les structures morales est importante aussi : il y a la SAPS, l'association, Académia. Il y a des personnes à l'intérieur pour faire en sorte que chaque structure fonctionne bien. Et il est important qu'il y ait une confiance entre les différentes structures. C'est aussi mon rôle de Directeur Rugby de faire que la mayonnaise puisse prendre entre chacun. J'ai aussi un rôle d'ambassadeur du club qui est multiactivité. Je me considère comme un généraliste. Je suis présent avec les partenaires, dans les différentes relations publiques organisées en interne et en externe avec les groupes et les scolaires... C'est toute la communion et la communication qu'il doit y avoir entre le club d'Agen et le grand public, les partenaires et les institutions. Je pilote tout ça. »
Le manque du terrain
« Le terrain me plairait. Mais je sais que je ne peux pas. Il y a une disponibilité que je prends à fond pour être dans le club, mais j'ai aussi une activité qui continue à côté avec Sella Communication, et j'ai mon association “Les Enfants de l'Ovalie” que je ne lâche pas et qui prend un autre temps. J'avais passé mes diplômes, j'ai tout ce qu'il faut, mais c'était une autre époque. Si j'avais dû être sur le terrain, je l'aurais été bien plus tôt. Je l'aurais fait à la place de Canal+. Quand j'ai arrêté de jouer à Londres (NDLR : aux Saracens), j'ai accepté de suite de commenter sur Canal+, ça s'est bien passé et ça a duré quatorze ans. Revenir après tout ça sur le terrain, je considère que c'est trop tard. C'est un choix qui a été fait. J'aurais pu y être à une certaine époque. Mais aujourd'hui c'est fini, je n'y serais plus. Même si on ne peut jamais dire jamais, il y a plein d'autres choses à faire dans un club professionnel. »
Sa vision du recrutement
« Le premier recrutement, c'est de garder les joueurs que nous avons et dont nous sommes satisfaits. Le monde pro est assez cruel parce que les joueurs vivent une carrière qui est relativement courte et ils se doivent de l'optimiser. Nous sommes là aussi pour l'optimiser. On est un club qui joue le haut niveau de la Pro D2 avec de l'ambition sur le terrain, ça permet aux joueurs de s'exprimer et de se faire voir en espérant avoir plus ailleurs. Mais c'est sûr que c'est toujours frustrant de voir un joueur partir, ça fait mal au ventre. J'ai même du mal à l'accepter parce que le côté humain m'importe énormément. C'est dur quand tu as vécu des années avec un joueur comme Alexi Balès ou Brice Dulin de le voir aller faire carrière ailleurs. Mais je l'accepte. Et il faut faire en sorte de continuer à regarder les joueurs dont le profil peut correspondre à Agen pour que le club garde sa place dans le haut de la Pro D2, voire en Top 14 avec l'espoir d'y pérenniser le SUA. »
Frédéric Cormary / Sud Ouest