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Actu Rugby a retrouvé Jean-Baptiste Rué, l'ancien talonneur d'Agen, finaliste du Top 16 en 2002. Un entretien tout en franchise et en pudeur, à l'image du joueur qu'il était.
Publié le 6 Mai 20 à 19:25
L’ancien talonneur international Jean-Baptiste Rué exerce désormais une mission, dans le milieu du sport, pour la mairie de Nevers. (
D.R.)
Sur les terrains de France et de Navarre, Jean-Baptiste Rué bénéficiait d’une large réputation. Joueur complet et dur au mal, l’ancien talonneur international (8 sélections) revient sur sa riche carrière et donne de ses nouvelles pour Actu Rugby. Une rencontre, comme l’homme, sans détour.
D’emblée, ce qui frappe chez Jean-Baptiste Rué, c’est son humilité touchante. « Pas sûr que ma carrière et mon actualité mérite qu’on s’y attarde », glisse-t-il tout d’abord. Et pourtant, impossible d’occulter dans les années 2000, les courses balle en main de ce tonique talonneur, sous le maillot du FC Auch puis du SU Agen.
Mais d’abord, c’est le club amateur de Saint-Gaudens qui lui donna l’opportunité de toucher le cuir, à l’âge de 12 ans. Pourtant, au départ, le natif de Boulogne-Billancourt débarqua dans le Sud-Ouest pour s’essayer au football. « Très vite, on m’a conseillé d’aller vers le rugby« , se souvient-il. « J’avais des dispositions physiques, je jouais dur. J’étais gardien de but ou défenseur. Lors de mes deux premiers matchs de foot, j’ai pris deux cartons rouges ! »
Une découverte de l’ovalie assez singulière, car celui-ci n’y connaissait pas grand-chose : « Je n’avais pas la culture du rugby, je ne maîtrisais pas ses codes. J’avais l’impression d’être un extraterrestre dans ce milieu que je devais découvrir ».
Rué doit aussi rapidement se familiariser avec l’une des particularités du poste de talonneur, les lancers en touche, qu’il a beaucoup de temps à appréhender, ce qui lui a valu d’être baladé à travers plusieurs postes. « C’est d’ailleurs pour cette raison que j’avais la réputation d’être un pizzaïolo ! », explique-t-il en toute franchise.
Il poursuit :
J’ai commencé à effecteur mes premiers lancers seulement lorsque j’ai été appelé en équipe de France A. En 1998, je jouais alors à Auch et je n’avais jamais lancé de ma vie. J’ai d’abord joué pilier droit puis troisième ligne centre. La tradition auscitaine privilégiait le numéro neuf comme lanceur. Jacques Fouroux voulait m’exploiter sur le terrain et nulle part ailleurs. Donc, pendant quinze jours, j’ai essayé d’apprendre le geste quand j’ai su que j’étais sélectionné. Une époque ou je m’entraînais deux fois par semaine après le boulot. Je me suis finalement définitivement fixé au talonnage à Agen alors qu’Auch m’avait recruté en tant que pilier droit pour
Sa carrière a véritablement pris son envol du côté du Moulias, lorsqu’il a posé ses valises au FC Auch. Et il doit cela à une rencontre, celle d’un certain Jacques Fouroux : « J’ai un immense respect pour l’homme qu’il était, donc je lui disais ma vision des choses quand j’estimais qu’il avait tort », se rappelle Jean-Baptiste Rué.
« Quelques clashs sont survenus, mais Jacques s’épanouissait dans le conflit« , poursuit-il. « Il était usant, mais j’avais de l’affection pour lui. Il s’en voulait presque de ne pas pouvoir s’enorgueillir d’être venu me chercher. Et je n’oublie pas Henry Broncan et Roland Pujo qui m’ont contacté pour rejoindre Auch. De sacrés caractères. Ils mettaient une telle passion et une telle ferveur tous les deux ! »
Il garde des souvenirs précieux de ses années auscitaines :
J’ai découvert le rugby pro sous le prisme de l’amateurisme avec ce club. J’ai eu de bonnes bases, j’ai adoré Auch et les mecs avec qui j’étais. C’était un milieu sain pour enclencher quelque chose et faire mes preuves.
La suite ? Un passage intense au SU Agen, ponctué d’une progression régulière et d’instants sportifs particulièrement forts. « Christian Lanta est venu me chercher, car mon profil correspondait à ses désirs », se remémore J-B Rué. « J’étais brut de décoffrage et la perspective était de jouer un rugby plaisant. Bernard Lavigne avait insisté pour que je vienne. Et puis j’avais des personnes qui me parlaient rugby tout simplement. Je n’étais pas focalisé sur l’aspect financier alors que j’aurai pu signer à la Section Paloise. »
Point d’orgue douloureux de son épopée agenaise, la finale du Top 16 perdue aux prolongations en 2002 face à Biarritz :
Je n’ai jamais revu le match. Je n’ai pas cette nostalgie, si c’est pour en vouloir à certaines décisions arbitrales, il n’y a aucun intérêt. J’ai le souvenir que notre première ligne avait joué l’intégralité de la rencontre, prolongations comprises. Je me rappelle aussi être monté avec Guillaume Bouïc pour tenter de contrer ce fameux drop de Laurent Mazas en fin de match. Bon, j’avais oublié que je ne mesurais qu’1m70 sous la toise, avec une détente de la hauteur d’un sucre voire un sucre et demi !
Jean-Baptiste Rué enchaîne les prestations remarquées du côté d’Armandie et passe d’un talent à polir à un talonneur en devenir. Les portes du XV de France s’ouvrent donc logiquement à lui : « Je suis l’affaire Simenon et les cinq dernières minutes ! Raphael Ibañez était en place, un meneur d’hommes et capitaine. »
Il poursuit :
J’ai un regret sur la temporalité et je me dis que si c’était trois ou quatre ans plus tard j’aurai eu plus de temps de jeu effectif avec l’apport significatif du turnover. Et de ce fait, démontrer plus. Je dois aussi ma sélection à la défection de Yannick Bru qui avait été suspendu. J’ai toujours ressenti que j’étais choisi par défaut. Je repense toujours à une rencontre en Irlande où l’on m’indique à la pause que je vais entrer rapidement. Et au final, j’ai passé 40 minutes à m’échauffer dans l’en-but. Nous étions à 10 mois de la Coupe du monde en Australie, mais mon aventure n’est pas allée plus loin. J’étais sûrement trop un électron libre.
Les ultimes coups de reins s’approchant, Jean-Baptiste Rué débarque à Toulon pour une pige d’un an, de 2007 à 2008 : « C’était le début de l’ère Boudjellal, même si ce n’est pas lui qui m’avait recruté », indique-t-il. « Au RCT, je n’étais pas en symbiose avec mon nouvel environnement. Je suis parti lors de la deuxième année en plein milieu de saison. »
Il enchaîne :
Je garde toujours du positif d’un échec, j’avais pris Omar Hasan dans mes valises, d’Auch à Agen. Et là, j’avais emmené Jean-Jacques Crenca, du SUA à Toulon, car Agen ne souhaitait pas nous conserver. Tous les deux ont fait dix fois mieux que moi !
Après son départ soudain du Var, il atterrit en Sicile, à Catane puisqu’une parenthèse italienne avec l’Amatori Catania, s’offrait à lui. Pour Actu Rugby, il raconte cette expérience atypique :
J’ai retrouvé le rugby que j’aimais durant quelques mois. Je garde d’ailleurs toujours des contacts avec d’anciens coéquipiers. On avait très peu de moyens et nous prenions souvent des avions type low-coast. Un jour, on devait aller à Parme pour disputer un match de Coupe. Le rendez-vous était fixé à 14h, mais on a finalement décollé à 17h pour atterrir juste avant le coup d’envoi à 20h. On s’est même changé dans le bus, c’était savoureux !
Enfin, il met un terme à sa carrière remplie dans la Nièvre, à l’USO Nevers. « J’ai joué quelques matchs sur la fin mais pas beaucoup plus. J’étais en collaboration avec l’homme d’affaires et futur président de l’USON, Régis Dumange, qui était alors seulement partenaire du club, Fédérale 2. Il a créé une SASP et m’a inclut dans son staff de départ à Nevers. Seulement, je n’avais pas les diplômes d’entraîneur. Il a donc fallu structurer et gérer le quotidien. »
Il poursuit :
J’intervenais sur des détails et Jean Anturville venait d’arriver à l’époque. J’étais une garantie sur le domaine sportif pour accompagner la direction, le projet était un peu fou, ùais aujourd’hui, lUSON est devenue une place forte.
Depuis qu’il a raccroché les crampons, Jean-Baptiste Rué a totalement délaissé les turpitudes du rugby, lui qui est toujours domicilié dans la Nièvre. « A la fin de ma carrière, j’ai été directeur d’établissement pour adultes handicapés », explique-t-il. « Maintenant, je m’occupe d’une mission concernant le sport à la mairie de Nevers. »
Il avoue cependant qu’il tendrait volontiers l’oreille, si un club de rugby souhaitait faire appel à ses services :
Si on vient m’interpeller ça me titillera, mais je suis plutôt dans un esprit d’audit et d’interactions éventuellement. J’ai trouvé mon équilibre avec ma compagne et mes enfants à Nevers.
Jean-Baptiste Rué n’est pas un courtisan ou un flatteur démuré, son honnêteté lui a même valu quelques soubresauts malheureux. Pourtant, l’accomplissement était présent, en tant qu’homme à travers le rugby comme il a souligné, mais surtout en tant que joueur. Parmi les talonneurs de renom du Top 16, il aura traversé les années avec force et en toute humilité…
Guillaume PACO