RUPENI CAUCAUNIBUCA -- Absent lors de la reprise du SU Agen à la mi-juillet, l'ailier star fidjien a été malgré lui l'acteur principal du feuilleton de l'été. Il est finalement réapparu le 14 octobre. En sauveurCe drôle de Caucau !Enfin ! Calme et serein, le jour de son retour au stade ArmandieIl leur aura tout fait jusqu'à sa réapparition tardive en terre lot-et-garonnaise avec trois mois de retard sur la date prévue. Comme si de rien n'était, tongs aux pieds, sourire en coin et yeux rieurs. A peine fatigué par un fantastique périple le menant de son village natal, Nasau, à Agen même : Nasau, Labasa, Suva, Nandi, Séoul, Paris, Agen.
Près de cinq heures de route en 4 4 sur 70 kilomètres de pistes mêlant terre battue et roche volcanique et vingt-sept heures d'avion plus tard, Rupeni Caucaunibuca a-t-il seulement pris un seul instant la pleine mesure de ses actes et l'imbroglio dont il a fait l'objet durant l'intersaison du Top 14 ? Pas si sûr. Car si le Fidjien est un sacré phénomène sur le terrain (34 essais), il s'avère l'être tout autant en dehors.
Souvenez-vous ! Ce soir du 12 mai 2006, le funambule fidjien conclut sa saison par un incroyable quadruplé face à Narbonne (58-24). Quatre perles du Pacifique qui le propulsent en tête du classement des marqueurs pour la deuxième année consécutive et qui l'autorisent à regagner son village de Nandi, aux îles Fidji, pour des grandes vacances méritées. En juin et juillet, le colosse, habitué à défier les lois de la nature plus il est épais, plus il court vite , profite de sa famille, de ses parents, de son épouse alors enceinte d'un futur « Rupeni junior » et de sa fille Karalaini Gadiwale, née à Agen quelques mois après l'arrivée de la famille Caucaunibuca dans la cité du pruneau.
Avec Sokoveti et la petite KarolineLoi des sériesComme à chaque fois qu'il est sur son île, à 17 000 kilomètres de la France, le temps s'arrête et Caucau se laisse volontiers pousser des envies. Pêche au gros, veillées tardives autour de bol de kava (boisson locale alcoolisée), rugby à toucher, et d'interminables siestes rythment son dur quotidien. Il est alors bien loin le temps des entraînements à horaire fixe, des soirées couche-tôt, des mises au vert et des régimes draconiens.
Quoique avec Rup's, un régime s'apparente à réduire d'une unité sa consommation journalière de poulet. Mais tout a une fin et l'heure du retour approche. Impossible à joindre dans son village qui ne figure même pas sur les cartes, il prétexte une typhoïde et décale son retour de quelques jours. Oubliée cette mauvaise fièvre qui l'a délesté de quelques kilos (rassurez-vous, il a vite retrouvé son bon quintal), c'est ensuite au nom de la coutume elle a bon dos qu'il doit rester sur son île pour présenter le nouveau-né au village avant d'annoncer au club avoir perdu ses papiers.
C'en est trop. Face à cette « mauvaise loi des séries », le directeur général du SUA, Laurent Lubrano, décide d'agir et se rend sur place pour organiser au plus vite le retour de la star fidjienne. Sauf énième rebondissement, le magicien agenais doit poser un pied sur le sol français le vendredi 22 septembre. Le dénouement n'a jamais été aussi proche
Maigrir un peuBlorville à boutPrésent sur place depuis trois semaines, l'agent du joueur, Emmanuel Blorville, tente de récupérer le passeport de « Caucau », bizarrement conservé par le manager de l'équipe nationale fidjienne, mais aussi d'en obtenir un autre pour sa fille et un visa à jour pour sa femme. Une difficulté faisant place à une autre, les jours se succèdent, jusqu'à ce qu'il soit trop tard pour que Sokoveti, enceinte de 8 mois, puisse voyager en toute sécurité. L'accouchement aura lieu sur place dans une clinique privée choisie par Lubrano et son agent qui rentreront l'un après l'autre, laissant un chaperon sur place pour régler les derniers préparatifs au départ.
Il est 8 heures du matin le 15 septembre aux îles Fidji lorsque Sokoveti Caucaunibuca donne vie à son deuxième enfant : un garçon de 4,180 kg, le premier fils qui perpétuera le nom de la famille. Le rêve de Rupeni est exaucé. Après trois semaines sur place, le devoir accompli, éprouvé par tant de rebondissements, Emmanuel Blorville rentre en France : « J'en avais ras-le-bol. J'ai laissé à Rupeni les billets d'avion pour la France. Maintenant, Rupeni, ce n'est plus mon problème », déclare-t-il.
Voilà presque trois mois que Rup's aurait déjà dû retrouver les terrains et les murs de sa maison de Boé essentiellement couverts de photos de Bob Marley, de Jésus-Christ et de ses exploits sous le maillot agenais.
Les poulets attendent dans le congélateur lorsque Rupeni débarque enfin le samedi 14 octobre. « Je suis heureux de revenir, avec ma famille en bonne santé. Je veux que tout le monde sache que je n'ai pas voulu faire de tort à personne, et que j'ai hâte de rejouer pour Agen ! » déclare-t-il dès le lendemain. Six jours plus tard, sans préparation spécifique, le Fidjien prend (largement) part à la victoire des siens lors de la première rencontre de Coupe d'Europe à Armandie contre Edimbourg avant de devoir rallier Cardiff pour honorer une sélection avec le Pacifique face au Pays de Galles. Rup's ne s'y rendra pas. Il a déjà égaré son passeport. Incorrigible Caucau !
Héros du public d'Armandie