Pour Olivier Magne, la défaite des Bleus (10-34) face à l'Argentine a été à à l'image de tout «ce qui s'est passé pendant cette Coupe du monde». Notre consultant met clairement en cause l'encadrement de l'équipe de France qui n'a pas su tirer les leçons des erreurs du premier match. Le manque de leaders a accentué la confusion: «Tout s'est un peu mélangé et l'on n'a pas su se concentrer sur le sportif.» L'avenir passe selon lui par une grande remise à plat et la formation d'un projet à long terme.
« Olivier Magne, cette quatrième place de l'équipe de France après une déroute face à l'Argentine (10-34) ne vous fait-elle pas mal au coeur ?
J'ai l'impression que les joueurs ont lâché. Pas de prise en main, pas de leader dans la semaine pour réguler les événements avant cette rencontre. Vraiment une équipe livrée à elle-même. Je suis en effet le premier déçu. Car je sais que c'est terrible de ne pas aller chercher cette troisième place, de surcroît au Parc des Princes, en France. C'est terrible mais c'est à l'image de tout ce qui s'est passé pendant cette Coupe du monde, à l'image de tout ce qui se passe à côté. Tout s'est un peu mélangé et l'on n'a pas su se concentrer sur le sportif et faire de cette troisième place une priorité.
Revenons un peu au match. Il y a eu des intentions en début de match, de la volonté pour prendre une revanche contre ces Argentins qui avaient remporté le match d'ouverture, mais...
Il y a eu vingt minutes vraiment intéressantes avec des occasions nettes, mais sans concrétisation. On s'arrête toujours près de leur ligne. Tout ça pour dire que passer d'un rugby ultra-tactique à un rugby ouvert avec des options radicalement différentes, ça ne s'invente pas. Si l'on ne l'a pas pratiqué des mois, des années à l'avance, on se retrouve un petit perdu, et on n'arrive pas à finir les actions. C'est ce qui s'est passé ce soir. Mais il faut reconnaître les qualités des Argentins qui terminent à une troisième place tout à fait méritée. Aujourd'hui, ils n'ont plus peur d'affronter les meilleures équipes du rugby mondial. Il y a encore quelques années, gagner en France était un exploit. Ce n'est plus le cas, ils le font régulièrement. Ils ont définitivement un futur glorieux.
Avec votre expérience, à quel moment de cette Coupe du monde avez-vous senti que c'était le début de la fin pour les Bleus ? Où sont les responsabilités et à quel niveau ?
Il est clair que Bernard Laporte a voulu porter l'équipe. Je dis depuis le début qu'il est la seule star de cette équipe, mais que le problème c'est qu'il ne joue pas. Et que le choc du premier match aurait pu être salutaire. On aurait pu faire notre révolution, comme les Anglais après leur défaite contre les Sud-Africains. Malheureusement, nous n'avons pas eu les leaders. Ni la présence d'esprit au niveau du staff de laisser les joueurs se prendre en main. On a senti les joueurs toujours avec le frein à main, et peut-être ne pas se sentir avec la confiance de l'entraîneur. Il s'étaient en quelque sorte bridés. Cela a conduit à un groupe sans âme, sans projet commun.
Justement, le vide va grandir avec le départ de certains cadres et de Bernard Laporte ?
Il faut selon moi ne pas s'affoler. Prendre son temps pour nommer le prochain sélectionneur. De réunir les acteurs du rugby français pour former un projet commun. Voulu par tous, qui amène l'équipe de France à son maximum. Et qui permette aussi aux clubs de s'exprimer, aux jeunes également. Tout le monde doit s'impliquer dans ce projet, clair et défini, réellement professionnel, avec des personnalités compétentes. Et ne pas hésiter à travailler sur des objectifs à long terme. La fédération doit prendre son temps. Il faut d'éviter les générations sacrifiées, à qui l'on promet monts et merveilles mais qui finissent toujours par être déçues.»
Propos recueillis par Philippe VERNEAUX