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«On a payé pour apprendre» estime Emile N'Tamack. «On a réussi un grand match, mais on a perdu» ajoute Marc Lièvremont. En deux phrases, les deux membres du staff tricolore ont résumé leur pensée sur la cruelle défaite contre l'Angleterre, samedi au stade de France. Les Bleus ont beaucoup tenté, ils ont donné satisfaction à leurs entraîneurs, mais ils n'ont pas gagné, voilà le paradoxe de ce Crunch au goût amer.
Un match plein de paradoxesLe paradoxe, voilà un concept que les coaches tricolores manient avec brio, ils le reconnaissaent eux-mêmes. Ainsi, autant ils avaient très durs et très critiques après la victoire contre l'Irlande, reprochant à leurs joueurs d'avoir lâché les consignes, autant ils ont été «ravis de la performance des joueurs, de leur courage, de leur persévérance, de leur investissement », malgré la défaite contre le XV de la Rose. La raison de la satisfaction ? Principalement que les joueurs ont respecté les consignes, en produisant beaucoup de jeu tout au long du match, et en montrant un courage énorme face au mur anglais. N'Tamack le reconnaît : «il y a des choses à travailler bien sûr, mais on va reconnaître le positif. Il y a des choses très intéressantes dans notre match, même si le scénario ne nous est pas favorable. On va garder le bon caractère de notre équipe, les performances individuelles. On a rien à reprocher aux joueurs.» Lièvremont acquièsce :« il y a des choses intéressantes malgré tout. Sur le fond, la façon dont les joueurs ont joué est positive : ils n'ont jamais lâché. Sur l'essentiel, on est satisfaits, et les joueurs peuvent être fiers.»
La mêlée pas chahutéeComme après le match contre l'Irlande, l'encadrement français donne finalement encore l'impression de ne pas avoir vu le même match que les observateurs. La mêlée, secteur clé de la défaite pour beaucoup, n'a, par exemple, pas été si chahutée que cela, selon les patrons du jeu. Marc Lièvremont qui connaît bien le sujet, développe : «La mêlée anglaise est certainement très forte, mais je pense que la mêlée française vaut mieux que ces pénalités concédées. Je n'ai pas eu le sentiment d'être dominé dans ce secteur. J'ai le sentiment qu'il y avait beaucoup de mieux en mêlée par rapport au match contre l'Irlande.»
Des choses à travaillerLe bilan est donc globalement positif, même si le XV de France ne peut évidemment pas se satisfaire de la défaite. Qu'est-ce qui a manqué ? D'abord la discipline, les trois hommes sont unanimes, on ne peut pas gagner en commettant autant de fautes (onze pénalités sifflées contre les Bleus). Ensuite un peu de mansuétude de la part de l'arbitre, surtout en mêlée, où Monsieur Pearson a sanctionné systématiquement la France (quatre fois quand même), de manière injuste selon Didier Retière, qui s'inquiète maintenant du mauvais regard du corps arbitral : «Oui, l'arbitre a été dur. En mêlée, les fautes sont discutables, l'arbitre sifflait très vite, systématiquement contre nous. Il va falloir que la mêlée française se refasse une réputation, et ça ça peut prendre du temps. Nous on a essayé de jouer au rugby, les Anglais, eux, ont très bien joué avec l'arbitre. Même si l'Angleterre a été meilleure que nous hier soir, c'est certain.»
Il manque aussi peut-être un peu d'intelligence, de vice, de métier, comme le suggère Lièvremont «on a pris une leçon de réalisme et de pragmatisme, encore une fois, à croire qu'on n'apprend pas assez vite les leçons contre les Anglais. Mais il faut souligner la performance remarquable de l'équipe anglaise qui a fait un quasi sans-faute, avec un match de très haut-niveau, à l'anglaise, très classique mais très pertinent.» L'entraîneur en chef reconnaît ensuite quand même que la liste des points à travailler est longue «la conquête, l'alternance, le jeu au pied, les libérations de balles plus rapides, le soutien...»
Sur la bonne voieUne chose est sûre, le XV de France ne reniera pas ses nouvelles convictions dans le jeu, et tous restent persuadés qu'ils vont dans le bon sens. Lièvremont se défend: «Objectivement, est-ce que les Anglais préparent l'avenir avec un cinq de devant vieillissant, et un rugby comme celui-là ? Nous on pense que notre rugby connaîtra des jours meilleurs avec un peu plus d'expérience, de cohérence, d'application, de précision. Je ne suis pas inquiet, mais il faut se remettre en question.» Cédric Heymans, lui, apporte son regard de joueur, et en peu de mots dit presque tout: «La leçon est simple, comme après chaque France-Angleterre. Arrêtons de faire des erreurs, parce que les Anglais ont cette faculté, cette maîtrise pour les exploiter à chaque fois. On a fait tout le jeu et on s'est fait contrer. Il faut voir si face à eux, il ne faut pas pratiquer un autre rugby. Il faut trouver un juste équilibre entre produire du jeu, et apprendre à gérer, sans s'éloigner de nos principes. Mais on est sur la bonne voie, et si on continue comme ça, en gérant mieux nos points faibles, l'équipe de France sera bien lancée.»
Aymeric MARCHAL