l y a deux ans, soirée de départ à Toulon, intime. Juste avant, vous nous aviez confié partir pour s’occuper de votre famille. Même s’il y a eu une tentation de travailler avec Christian Lanta à Lyon, comment avez-vous vécu ces deux ans sans rugby ?
La priorité était, pour moi, de m’occuper de ma famille. Mais comme je l’ai toujours dit, on n’est pas parti parce que nous n’avions plus envie de travailler, on est parti parce que nous pensions que le fait de laisser le groupe à un autre duo ou trio d’entraîneurs ne pouvait être que bénéfique à cette équipe. Elle pouvait, selon nous, aller plus loin dans sa façon d’appréhender le jeu. Nous, on leur avait donné une certaine façon de jouer. Avec un autre entraîneur, cela aurait pu être solide pour la suite, pour aller chercher ce que tout le monde veut depuis longtemps. Ca a fait l’effet inverse. Il y a eu tellement de conneries d’écrites, de dites… Il ne fallait pas penser que c’était le cordon que les joueurs n’avaient pas coupé avec nous : il fallait chercher le problème ailleurs. Notre motivation était toujours là mais priorité à la famille. Cela m’a permis de me ressourcer mais je n’étais pas non plus très fatigué. J’ai pu me consacrer à mon boulot à la
mairie, aller voir mes enfants le samedi faire du sport et ça c’était ma priorité. Je ne voulais pas voir mes enfants à l’âge de 20 ans et leur dire, tiens, je viens vous voir samedi. Je préfère le faire tant qu’ils sont encore jeunes.
Vous êtes un affectif. Comment avez-vous vécu la descente du SUA en D2 ?
Tout le monde a été touché mais, personnellement, cela a été quelque chose de très dur. A l’avant-dernier match, j’étais à Toulouse pour aller voir prendre ce 47 à 0 sans réaction. Tout était parti en fumée sur ce qu’on avait fait. Il n’y avait pas grand-chose de positif. Oui, on est blessé car on le voyait venir depuis un moment et qu’il n’y avait pas de réaction au sein du club. C’était pour nous dramatique, je dis nous parce que Christian était dans la même situation même s’il entraînait Lyon. Moi, j’étais impuissant de voir ce qui se passait.
Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir dans cette aventure ?
Il faut savoir que dès que j’ai arrêté, j’ai eu des contacts réguliers, de plusieurs clubs. Mais comme j’avais dit que je ne réentraînerai pas pendant un ou deux ans, peut-être dix ans…
A part quelques piges à Portet…
J’ai été faire des passages à Portet mais, dans le grand bain, j’ai toujours refusé. Dans un premier temps, mon intérêt était de revenir avec Christian et il y avait de fortes chances que j’aille à Lyon mais, quelques jours avant la signature, cela ne s’est pas fait. Donc on est resté tous les deux un an sans club mais on se voyait régulièrement. On était à la maison. On continuait à travailler tous les deux avec l’idée que si un jour on reprenait une équipe, on aurait déjà essayé de se mettre à la page par rapport à l’évolution du jeu.
Est-ce que justement les nouvelles règles vont favoriser le jeu à la main ?
Depuis que nous sommes revenus, on est un peu dans le flou dans le sens
où j’ai toujours l’impression que l’équipe qui attaque est sanctionnée
plus que celle qui défend. Attention, quand je dis ça, je ne parle pas des arbitres. On a des attitudes qu’il va falloir gommer. Il y a un autre comportement des joueurs à avoir sur les terrains. Quand le porteur du ballon va se mettre au sol, le soutien n’a plus le droit de tomber, il faut qu’il se mette debout…
Entre Christian, Déjardin et Broncan, c’est vous le jeunot...
Ils sont vieux, oui.
Par contre le groupe est très jeune. Christian Lanta évoquait
avec nous votre rêve de faire progresser une équipe à partir de cadets.
Comment vivez-vous de travailler avec un groupe jeune ?
Pour nous, entraîneurs et quelque part des éducateurs, passés dans toutes les filières, c’est, je dirais, l’idéal dans le sens où on a un groupe jeune, inexpérimenté, avec un peu de qualité, je dis bien un peu. Ce ne sont pas de superchampion mais à nous de les prendre en main. Il y a quelques anciens, mais plus beaucoup et il y a des joueurs entre les deux générations. Dans l’idéal, c’est bien de se retrouver avec ce groupe. Maintenant, on sait très bien qu’on nous ne laissera pas le temps de travailler comme on le veut, même si tout le monde dit ouais c’est bien vous avez des jeunes, ouais c’est bien, c’est pas grave… Non, on sait très bien qu’on sera tenu aux résultats, qu’on nous attendra au tournant avec Christian. On ne nous laissera peut-être pas le temps qu’on a laissé à certains entraîneurs. On le sait très bien, et on peut nous raconter ce qu’on veut, on sait très bien qu’on sera tenu par le résultat.Mais le résultat, ce sera surtout l’adhésion de nos joueurs. Si on arrive à faire adhérer totalement les joueurs au jeu que l’on veut mettre en place, ce sera déjà une réussite et surtout un gain positif. Mais est-ce qu’on nous laissera le temps de travailler correctement ? J’ai des soupçons et des doutes.
Le président n’a pas fixé d’objectif de remontée.
La direction du club doit surtout rester objective par rapport au groupe que nous avons.
Ils ont l’air de l’être.
C’est comme tout. Entre les paroles et les actes, il y a parfois une différence. Aujourd’hui la direction du club doit s’apercevoir des moyens qu’on nous a donnés pour travailler. Il y a pas mal de joueurs qui sont partis. Il y a tout à recomposer, toute une ligne de trois-quarts à reconstruire, idem pour le paquet d’avants même si c’est homogène. Tout ça ne se fait pas en un jour. Le premier objectif est de faire adhérer nos joueurs à ce que nous voulons mettre en place, qu’ils se l’approprient progressivement. Et, à partir de là, peut-être qu’en cours de saison, on redéfinira les objectifs en terme comptable.
La préparation n’a forcément pas été idéale en raison des
blessures, notamment celle de François Gelez. La préparation a-t-elle était faussée ?
François et Jérôme sont des garçons que je connais. Ils savent comment
je travaille, cela a été un souci dans les repères par rapport aux nouveaux, par rapport à la connaissance du partenaire mais pas dans le système de jeu que l’on met en place car ils vont le retrouver sans trop de difficulté. Mais on ne va pas pleurer et il est hors de question de nous entendre pleurer une fois.
Il y a une école agenaise mais aussi une école toulousaine. Il
y a plusieurs jeunes Toulousains dans le groupe. Vous les connaissez ?
Ils étaient jeunes quand je suis parti mais ce n’est pas parce qu’on est Toulousain qu’on est plus doué que les autres. Il y a par contre une autre façon d’appréhender le jeu. Ce sont des garçons habitués à la victoire, qui, jeunes, ont connu des titres. S’il y a une culture toulousaine à mettre en avant, c’est cette soif de vouloir avancer, de vouloir gagner quelque chose, parce qu’ils ont déjà, à tous les âges, gagné des titres. Sur la façon de jouer, il y a toujours cette prise d’initiative qui fait la part belle au jeu toulousain, être capable de faire la différence au moment où il faut. Mais ce sont des garçons qui ont très peu joué en équipe une. Laissons-les à leur niveau, ils sont jeunes et, comme les Agenais, ils doivent apprendre beaucoup de choses encore.
Quel est votre sentiment sur le championnat de D2 ?
Il est clair qu’il y a beaucoup moins de vitesse, tout simplement car
sur les phases de ruck, les équipes adverses essaient d’étouffer le ballon. Les ballons ralentis et retardés font la part belle à ce championnat. Il est aussi âpre. Il peut aussi y avoir de la qualité. La preuve : Mont-de-Marsan que j’avais trouvé très bon, sous la pluie, à Blagnac, est remonté en Top 14. Quand on maîtrise son jeu, il n’y a pas de place au hasard. L’an dernier, il y avait quelques équipes qui dominaient mais il y avait surtout quelques équipes faibles, chose qu’il n’y aura pas cette année. Ce sera un championnat plus ouvert et plus homogène. Je ne vois pas d’équipes qui vont dominer à part le Racing, Auch, Albi, tous les trois prétendants dès le départ et un peu La Rochelle. Après, c’est assez homogène dans les effectifs. Tout le monde s’est renforcé.On peut penser que ce championnat sera plus ouvert.
Beaucoup de chose écrites aussi sur la possibilité de travailler avec Broncan, Lanta. Et finalement, ça se passe bien.
On ne se connaissait pas avec Henry. On nous a mis devant le fait accompli et avec Henry, tout le monde a trouvé sa place, son rôle. Henry n’est pas écarté du staff, il a le rôle qu’il avait auparavant et, nous, on est responsables du terrain. Il prend part à nos discussions sur les entraînements, sur ce qu’il a vu. Il fait un peu ce rôle qu’avait Henri Cazaubon, de nous dire s’il a vu quelque chose qui le choquait. Il est proche des joueurs. On ne l’a pas mis l’écart. Il fait partie intégrante si ce n’est plus. Il fera aussi partie de la composition de l’équipe.
En ce début de saison, on a l’impression que tout le monde veut aller dans le même sens.
Ce n’est pas l’impression qu’on a eu quand on est revenu. Mais à partir
du moment où on nous a contactés, je l’ai dit haut et fort et à qui de droit : on n’a rien volé, on est parti d’ici l’équipe était à la 5e place, on revient elle est en Pro D2 et on a failli nous faire un procès car on revenait. On aurait pu aller ailleurs. Agen est venu nous recontacter, nous avons peut-être un travail à finir. Moi, si Agen me recontactait, j’avais toujours laissé une porte ouverte à ce club parce que je n’aimais pas le voir où il en était. Maintenant, j’ai rien pris à personne. Nous, on entraîne une équipe et ceux à qui ça pas fait plaisir, qu’il reste à la maison, qu’ils s’occupent de leur famille.
Ecrit par : Bertrand Chomeil
Sujet: Interview Christophe Deylaud (Petit Bleu) 
Jeu 4 Sep - 20:39
ça va chambrer dur!
