Mondial: le rugby argentin veut voir maintenant la vie en grand
BUENOS AIRES (AFP) — Après un parcours historique dans le Mondial-2007, le rugby argentin veut maintenant voir la vie en grand et rester dans le peloton de tête des grandes équipes de l'ovalie, avec tout ce que cela représente comme bouleversements.
"Si les dirigeants ne font rien avec tout cela, c'est à se tuer", déclare ainsi Mario Ledesma, un des Pumas battus samedi par les Springboks en demi-finale, cité mardi par la presse argentine. La pression monte pour que les Pumas restent dans la cour des grands et participent enfin à un grand tournoi international, forts de leur quatrième place dans le classement de l'IRB (International Rugby Board, organe suprême du jeu).
Le président de l'IRB Syd Millar a déjà plaidé la cause des Pumas pour qu'ils intègrent le Tri-Nations de l'hémisphère sud. L'Argentine préférerait jouer le Tournoi des six nations en Europe, où évolue la très grande majorité des Pumas, mais l'IRB a déjà laissé entendre qu'il n'y avait plus de place dans ce tournoi.
Avec 38.000 licenciés, et près de 9.000 juniors, pour quelque 400 clubs, le rugby argentin est 100% amateur et la très grande majorité des Pumas sont obligés de s'exiler pour pouvoir joueur en professionnel, le plus souvent en France. Sur les 30 Pumas sélectionnés pour la Coupe du monde, seulement quatre jouent en Argentine et possèdent un statut amateur.
Pour garder son rang au niveau international, le rugby argentin doit changer et se donner les moyens de faire jouer ses sélectionnés qui parviennent difficilement à joueur ensemble cinq ou six matchs par an.
"Il me semble qu'il est nécessaire de donner un coup de barre, de mettre du sang neuf, des entraîneurs plus jeunes, incorporer des gens venus de l'étranger et changer la structure de l'Union argentine de rugby (la Fédération, ndlr)", juge ainsi Mario Ledesma. Mais ces changements à venir font aussi grincer des dents dans le monde feutré et policé du rugby argentin et ce même joueur reconnaît dans la foulée que les "ennemis" sont à l'intérieur même du petit monde du ballon ovale en Argentine.
"Un ancien dirigeant disait que si le rugby argentin se professionnalisait, il perdrait les valeurs inhérentes à ce sport. Pourtant, nous sommes professionnels depuis huit ans et nous avons démontré que ces valeurs sont plus présentes que jamais", déclare encore Mario Ledesma.
La "Pumamania" en Argentine, qui a vu des millions d'Argentins se passionner pour un ballon ovale au pays du football roi, pourrait faciliter ces changements, estime de son côté Jorge Busico, spécialiste du rugby et auteur du livre "Etre Puma".
On ne trouve plus de maillots des Pumas, on a changé l'horaire du sacro-saint super-clasico (le match de football entre Boca Juniors et River Plate) pour permettre aux fans de rugby de suivre aussi le match Argentine-Ecosse et de plus en plus de jeunes veulent jouer, signe que le rugby s'est popularisé, n'en déplaise à certains dirigeants, remarque ainsi ce journaliste spécialisé.
D'ailleurs, ajoute-t-il en citant le capitaine des Pumas Agustin Pichot, "cette équipe s'est rebellée contre le système, elle s'est battue contre l'establishment. Voilà la clé" de sa popularité.
Et de rappeler que les Pumas avaient menacé de faire grève en mai 2006 pour réclamer le versement de primes et de meilleures conditions financières et d'entraînement à une fédération résolument hostile à toute "professionnalisation", entendez par là, disent leurs détracteurs, à toute "contamination" populaire d'un sport surtout joué dans les beaux quartiers de la capitale argentine.
Les Pumas veulent aussi en finir avec cette image de sport d'élite qui colle à la peau du rugby en Argentine et certains d'entre eux voient d'un bon oeil les projets visant à encourager les jeunes les plus défavorisés à jouer au rugby comme celui de Virreyes dans la banlieue de Buenos Aires qui implique 400 jeunes de 6 à 19 ans.