L'oeil de Bénézech

relevé sur l'équipe internet :

Pour Laurent Bénézech, la nomination de Marc Lièvremont au poste d'entraîneur de l'équipe de France marque une rupture dans la stratégie de la Fédération : «C'est un vrai camouflet pour les clubs qui n'ont pas été associés à la décision.» Cette rupture sur la forme pourrait aussi mener à une évolution dans l'approche stratégique : « Les trois hommes défendent le jeu de mouvement». Le premier chantier du nouveau staff sera la gestion des anciens, comme Raphaël Ibanez (photo L'Equipe) et Serge Betsen.


«Laurent Bénézech, quelle est la logique qui a présidé à la nomination de Marc Lièvremont à la tête de l'équipe de France?


La première démarche de la fédération a été de couper le lien avec les clubs, ce qui est un aveu d'échec de ce qui a été fait avec Bernard Laporte qui venait du Stade Français, en se recentrant autour de Jean-Claude Skrela, directeur technique national. Marc Liévremont, tout comme Emile Ntamack et Didier Retière, sont des entraîneurs qu'il a eu sous sa coupe, via la sélection des moins de 21 ans. La Fédération a composé une équipe dont Marc Lièvremont est le leader de par son expérience avec Dax, champion de ProD2 la saison dernière. Avec Emile Ntamack et Didier Retière, qui ont mené les moins de 21 ans au titre mondial en 2006, ce trio est sur la même ligne : les trois hommes défendent le jeu de mouvement, un rugby complet à l'image de celui pratiqué par le Stade toulousain.


On avait annoncé un duo. Pourquoi nommer un seul entraîneur?


A un moment donné, il faut un patron, pour pouvoir trancher. Un duo ne marche que si les deux hommes pensent la même chose au même moment, ce qui est compliqué. Le fait de désigner un patron est logique : cela aurait pu être un patron - manager, ce sera finalement un patron - entraîneur. Là-dessus, on reste dans la continuité de l'ère Laporte.


Ne peut-on pas considérer que le trio manque d'expérience au plus haut niveau ?


Les trois hommes manquent certes d'expérience en tant qu'entraîneurs. Mais Lièvremont et Ntamack ont un gros vécu de joueurs internationaux et connaissent les exigences du haut niveau. De plus, ils seront suivis de près par Jean-Claude Skrela, le directeur technique national, qui est un peu le parrain de leur nomination. Je pense que ce staff tient la route. La principale interrogation concerne l'arbitrage que Marc Lièvremont devra rendre très rapidement vis-à-vis de certains joueurs. Les entraîneurs seront-ils prêts à travailler avec des joueurs très expérimentés, très exigeants, des joueurs avec lesquels ils ont joué ? Je pense aux cas de Raphaël Ibanez et Serge Betsen, qui semblent vouloir continuer et qui ont un statut particulier.


Sur la forme, que pensez-vous de la procédure qui a organisé la succession de Bernard Laporte?


On peut regretter la scission de fait entre la Fédération et la Ligue dans le cadre de la nomination. C'est un vrai camouflet pour les clubs qui n'ont pas été associés à la décision. Le recentrage sur la Direction technique nationale et le rejet des candidatures des entraîneurs reconnus du Top 14 (Patrice Lagisquet, Guy Novès, Fabien Galthié) va peut-être compliquer le travail des entraîneurs. Je pense notamment aux négociations pour la mise à disposition des joueurs : la Ligue aura moins envie de répondre aux desiderata de l'équipe de France.»


Recueilli par Anthony THOMAS