«Les espoirs du rugby français font banquette»
Propos recueillis parD. R.
22/09/2008 | Mise à jour : 09:38 | Commentaires 2 .
« Il n'y a aucune synergie en faveur de l'équipe de France, qui est vraiment laissée pour compte », regrette Marc Lièvremont. Crédits photo : Le Figaro
Marc Lièvremont, le sélectionneur du XV de France, avoue sa frustration face au recours massif aux joueurs étrangers.
LE FIGARO. - Que pensez-vous de la venue prochaine de Dan Carter dans le championnat de France ?
Marc LIÈVREMONT. - Sa présence, comme celles d'un Kelleher ou d'un Collins, constitue une vraie plus-value. D'abord, elle donne un grand coup de projecteur à notre championnat. Ensuite, par son application, son statut, Carter va apporter une grosse valeur ajoutée à ses partenaires.
Mais, au-delà de ces stars, le Top 14 accueille de plus en plus de joueurs étrangers.
Le rugby français souffre évidemment de cet abus. Que certaines équipes alignent jusqu'à deux tiers d'étrangers nuit directement au XV de France ! Mais comme les championnats français et anglais font vivre l'économie rugbystique mondiale, je doute que ça s'arrange rapidement.
Avez-vous essayé de convaincre les entraîneurs de club d'avoir moins recours aux étrangers ?
Je ne veux pas me poser en donneur de leçons. C'est compliqué pour des entraîneurs de plus en plus soumis à la pression de l'obligation de résultats. Alors je souffre en silence de voir de grands espoirs du rugby français faire banquette au profit d'une main-d'œuvre étrangère meilleur marché et déjà expérimentée. Une solution de facilité tentante. L'idéal serait que les clubs dépassent le cadre de la législation et établissent un general agreement pour s'imposer des quotas d'étrangers, de joueurs formés en France et, même, une meilleure répartition des internationaux français. Mais comme l'identité nationale est le cadet des soucis de certains dirigeants...
La formation française est-elle en cause ?
On peut toujours faire mieux. Mais quand je vois nos jeunes s'exprimer, je regrette que les entraîneurs ne leur fassent confiance que contraints et forcés. On parle beaucoup de l'éclosion des Montpelliérains (Trinh-Duc, Ouedraogo, Picamoles, Tomas, tous depuis sélectionnés par Marc Lièvremont, NDLR). Mais on oublie que leur club ne les a lancés que parce qu'il traversait une période critique…
Vous semblez inquiet pour l'avenir du XV de France.
Il n'y a aucune synergie en faveur de l'équipe de France, qui est vraiment laissée pour compte. Les nations du Sud et les pays celtes sont acquis à la cause de leur sélection. Les Anglais ont trouvé un accord financier pour que les clubs laissent leurs joueurs à disposition de l'équipe nationale. Même les Italiens ou les Argentins bénéficient de plus de stages que nous !
Votre appel à l'aide n'a pas ému Serge Blanco, le président de la Ligue nationale.
Il reste sur une vieille rancœur (la FFR ne l'avait pas consulté à l'heure de choisir le nouveau sélectionneur, NDLR), et cela m'attriste. Trouver une solution est pourtant dans l'intérêt de tous, des clubs et du XV de France. Les deux doivent cesser d'être mis en opposition. Par son statut d'ancien grand capitaine du XV de France, pour tout ce qu'il représente dans le rugby français, je trouve regrettable que Serge Blanco entérine cet immobilisme défavorable à l'équipe nationale.