excellentissime article à jumeler avec l article de RR sur les all Blacks : "ces anti stars qui font briller les autres"
2 articles qui disent tout ce que doit etre le rugby et la formation
en France quand on parle de Mermoz, tu as la moitié des commentaires qui sont pro et l autre anti-mermoz : et je me demande si ceux qui sont anti, savent vraiment jouer au rugby ?
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Coupe du monde de rugby : Le secret de la technique hors du commun des All-Blacks
RUGBY Si vous aimez qu’on vous parle de «skills» et «d’offloads»…
Il a fait l’Italie, l’Afrique du Sud, l’Ecosse puis la France. Autant dire que Philippe Doussy n’a rien volé quand il affirme avoir une vision « à 360° ». Le coach des « skills » de Grenoble, en Top14, explique à 20 Minutes pourquoi les All-Blacks (et plus généralement les équipes du sud), sont plus doués techniquement que le reste du monde. Histoire de comprendre comment il est possible qu’un un pilier Neo-Zélandais soit plus habile qu’un arrière français dans tout ce qui est passes après contacts, chisteras, raffuts, sautées et petits coups de pied à suivre.
Les Blacks nous ont écrasés en technique individuelle lors du quart de finale. Ils sont meilleurs que nous dans ce domaine, le constat est si simple que ça ?
Il n’y a aucun doute. Tous les quatre ans, la vérité de la Coupe du monde est un bon baromètre et ils sont au-dessus de nous à ce niveau. Mais ils ne font pas croire qu’ils sont nés avec un don. En France, au niveau de la formation, on ne répète pas les gestes techniques et donc on n’a pas d’automatisme. Quand on est jeunes, on a panoplie de gestes et si elle est entrée dans le disque dur, on la répète en situation de jeu. Les Blacks, ils répètent et ils automatisent un geste en essayant de l’améliorer en vitesse d’exécution. Ils sont aussi très fort sur les fondamentaux dans chaque rôle et quand on a ça, on peut ensuite entrer dans la polyvalence…
Oui, on a l’impression que leurs piliers sont capables de faire des trucs que nos arrières ne maitrisent pas…
Mais c’est pas la faute du joueur. Ce sont les méthodes d’enseignement et ce qu’ils travaillent dans la semaine. Il faut répéter pour mémoriser, pour affiner. Si les gars touchent cinq ballons par semaines et se font des passes pour se faire des passes, ça va pas marcher… En France, ils n’ont pas compris que les skills c’est le rapport de l’homme avec le ballon. Ensuite, on leur met des « drills », des exercices où ils retrouvent en situation ce qu’ils ont travaillé préalablement avec le ballon. Mais en France, on les met directement en situation. Je peux la comprendre la situation, mais si j’ai pas le schéma moteur pour y répondre, je suis mort…
>> A lire aussi : Mais pourquoi la Nouvelle-Zélande et l’Australie se détestent tant ?
C’est qu’ils ont tellement l’habitude de faire ces gestes qu’ils reviennent naturellement en matchs ?
Ils ne font pas des entraînements d’extraterrestre mais dans la semaine ils ont des plages dans la où ils répètent des choses, ça peut être des prises de balles aériennes pour les ailiers par exemple ou des passes longues, des changements d’appuis. Et chaque semaine ils retrouvent ce processus et plus je le fais plus j’ai confiance et plus je peux le reproduire en situation. Tout est lié. Nous, il nous manque une, voire deux ou trois pièces dans ce puzzle.
C’est-à-dire ?
On a l’une des fédérations les plus puissantes du monde à tous les niveaux et pour l’instant on est loin de tout ça. On n’a pas d’idée, pas de philosophie, on copie le Sud mais on a toujours un ou deux ans de retard, alors qu’on a deux fois plus de moyens que les autres. Mais il faut des règles, une loi, une philosophie. On ne sait pas où on veut aller, une fois c’est le physique, l’autre la technique, et à partir de là on va tricoter. Les autres ont une philosophie, ils s’y tiennent et après font des bilans. Demandez en France : « C’est quoi les points clés de la passe ? » Vous aurez 50 avis différents. Dans le sud, ils travaillent avec des principes : sur chaque geste technique y a deux ou trois paroles clés, par exemple la position du coude sur une passe. Le joueur n’a pas 50 informations contradictoires.
Pascal Papé essaie d’attraper Daniel Carter, en vain. - BPI/REX Shutterstock/SIPA
C’est quoi être un joueur technique ?
C’est avoir à sa disposition une diversité des gestes techniques, faire la passe dans toutes les solutions, debout, couché, plaqué, avec une grande vitesse d’exécution, précision. Après, est-ce qu’on privilégie la vitesse d’exécution ou est-ce qu’on choisit la précision ? C’est un vrai débat mais personne n’en parle ici. Mais qu’est-ce qui fait la différence en haut niveau ? C’est la vitesse.
Même si elle amène forcément plus de déchet…
L’erreur fait partie de l’apprentissage. Mais c’est lié à la philosophie des entraîneurs, plus je tente des gestes avec vitesse plus ma marge d’erreur est grande. Si au deuxième ballon tombé l’entraîneur dit au mec « tu fais **°_°** », le joueur n’a plus la liberté de s’exprimer. En Top14, il y a beaucoup d’enjeux avec notamment la peur de la relégation. La marge d’erreur est faible, tu ne peux pas trop te louper. Alors…
C’est quoi le job d’un entraîneur de skills ?
Le premier point, c’est de donner le sourire au joueur. Parfois je mets de la musique, le but est de donner de la confiance au joueur, faut que ça rigole. S’il est relâché il sera plus fluide dans son geste, s’il est stressé il ne sera pas productif. Regardez les matchs : les Blacks ils rigolent. Ils sont sûrs de leur force, ils ont la capacité à rentrer très vite dans un match et n’ont pas besoin de se faire le match dans la tête trois fois avant le coup d’envoi. Ensuite, on répète pour chaque rôle les skills qui sont liés, par exemple la conduite de balle autour de mêlée, les passes longues, les offloads (passes après contact), on travaille les duels, on simule, on fait ça les yeux fermés… J’ai mon temps dédié et après chaque séance collective, on essaie de prendre 10 ou 20 minutes d’extra pour répéter les gestes.
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Dan Coles, l'infatigable
Le talonneur néo-zélandais (28 ans, 35 sélections) est un spécimen. Un joueur d'une endurance relativement unique, lui qui est capable de jouer près de 70 minutes par match. Une chose rare pour un talon et même exceptionnelle pour un première ligne qui se dépense autant. Christian Califano, ancien pilier du XV de France (72 sélections) et grand connaisseur du rugby néo-zélandais analyse. "Pour en avoir discuté avec l'encadrement de la Nouvelle-Zélande, c'est un joueur qui physiquement est juste énorme. C'est un talonneur hyper mobile, hyper tonique et qui a une très bonne gestuelle. Mais surtout, c'est un très gros défenseur dans les zones de rucks. Il plaque, il gratte… En conquête, c'est un joueur régulier, très fiable sur ses lancers. C'est hyper important. Il ne faut pas oublier qu'il est en concurrence avec une star, Keven Mealamu. Mais l'effectif néo-zélandais est tellement riche qu'ils peuvent intégrer des joueurs plutôt jeunes en prévision de ce qu'il sera dans 2 ou 3 ans". Incontournable avec la tunique noire (20 sélections en 2 ans), Coles connait aussi une période très prolifique: il a inscrit ses 5 essais lors de ses 13 dernières capes. Un joueur incontournable et de moins en moins discret.
Dane Coles, le talonneur des All Blacks - Coupe du monde 2015
Dane Coles, le talonneur des All Blacks - Coupe du monde 2015 - AFP
Jerome Kaino, le tronc d'arbre
Même blessé, même vieillissant, même en concurrence avec Messam ou Vito, Jerome Kaino (32 ans, 66 sélections) est un incontournable de la meilleure équipe du monde. Probablement parce que son abattage est impressionnant: 9,6 plaquages par match et le titre honorifique de meilleur plaqueur néo-zélandais de cette Coupe du monde. Un joueur clef, comme l'explique Imanol Harinordoquy (82 sélection en équipe de France). "C'est un joueur qui évolue habituellement numéro 8 mais dans un souci de complémentarité, il joue au poste de numéro 6 chez les All Blacks. C'est un joueur très puissant, dur au contact, qui est capable d'asséner de gros plaquages, des plaquages offensifs. Au moins de bloquer l'adversaire. C'est un joueur qui va cibler les joueurs importants et qui font habituellement avancer leur équipe. C'est un joueur très solide dans les zones de rucks qui est très important dans le dispositif des All Blacks". Kaino, le tronc d'arbre derrière lequel peuvent s'abriter les artistes insulaires. Un joueur qui se transforme parfois en finisseur : avec un essai en quart face à la France et un essai en demie contre l'Afrique du Sud, le numéro 6 a su se montrer décisif autrement que par sa puissance et son sens du sacrifice.
Jérome Kaino (Nouvelle-Zélande) face à l'Afrique du Sud - le 24 octobre 2015
Jérome Kaino (Nouvelle-Zélande) face à l'Afrique du Sud - le 24 octobre 2015 - Icon Sport
Sam Whitelock, l'autre géant
Aux côtés du meilleur joueur du monde 2014, Brodie Retallick, n'importe quel joueur pourrait paraitre transparent. Sam Whitelock (27 ans, 72 sélections), lui, est juste discret. Mais il s'impose comme une référence mondiale. Jérôme Thion (54 sélections avec le XV de France) détaille. "C'est un garçon qui a des grosses qualités de poussée et un très gros volume de jeu. C'est d'ailleurs le plus impressionnant dans ce secteur avec Retallick et Simmons. Mais surtout il a très peu de déchet dans son jeu. Il est très peu sanctionné. Alors oui, il est moins visible que Retallick, mais c'est parce qu'il est moins impliqué dans la stratégie offensive de la Nouvelle-Zélande. Mais dans le travail besogneux, que ce soit dans les soutiens offensifs ou défensifs, il est juste impressionnant". Un joueur de devoir qui s'imposait déjà comme un indiscuté en 2011. A 27 ans, il compte 72 sélections. Homme de l'ombre, peut-être. Homme de base, c'est certain.
Brodie Retallick (premier plan) et Sam Whitelock, les deuxième lignes des All Blacks
Brodie Retallick (premier plan) et Sam Whitelock, les deuxième lignes des All Blacks - AFP
Conrad Smith, le cerveau
"Il est d'une intelligence singulière. Il est un des meilleurs All Blacks et un joueur essentiel à notre défense dans cette Coupe du monde. C'est un joueur très rapide, endurant, et qui a un courage énorme". Chose rare, les louanges sont signées Wayne Smith, l'entraineur de la défense néo-zélandaise. Une admiration partagée par Richie McCaw. "Il a une compréhension incroyable de ce que les équipes essayent de faire. Il maitrise l'aspect psychologique, mental d'un match. Il est le premier à comprendre ce qu'il est nécessaire de faire". Ce "il", c'est Conrad Smith (34 ans, 93 sélections), le véritable cerveau des All Blacks. Avec un physique relativement banal (1m86, 95 kilos), cet avocat diplomé est devenu, au fil des années, le régulateur de la ligne de trois-quarts néo-zélandaise. Un joueur capable de trouver la solution dans les situations les plus difficiles. Une capacité à faire le choix juste et à garder son sang-froid dans toutes les circonstances et qui lui ont valu un surnom: le "snake". Un serpent redoutable et qui voudra faire parler ses crochets face à l'Australie.
Conrad Smith (Nouvelle-Zélande) - octobre 2015